Inventory number
Numéro principal : MI 776
Collection
Artist/maker / School / Artistic centre
Description
Object name/Title
Titre : Apollon amoureux de Daphné
Description/Features
Physical characteristics
Dimensions
Hauteur : 1,55 m ; Hauteur avec accessoire : 1,925 m ; Largeur : 2 m ; Largeur avec accessoire : 2,405 m
Materials and techniques
huile sur toile
Places and dates
Date
XVIIe siècle (vers 1663 - 1664)
History
Object history
Historique
Donné avant sa mort par Poussin au cardinal Camillo Massimi (1620-1677) ; acquis au palais Massimi par le peintre Guillaume Guillon-Lethière (1760-1870), directeur de l’Académie de France à Rome entre 1807 et 1811 ; proposé à l’achat sans succès en 1818 pour 6 000 francs au prince Eugène de Beauharnais
(1781-1824). – Coll. du facteur d’instruments de musique le chevalier Sébastien Erard (1752-1831) ; sa vente, Paris, 9 août 1832, no 191 ; acquis à cette vente par Charles Paillet, le fils du célèbre expert et marchand de tableaux Alexandre Joseph Paillet (1743-1814), et proposé sans succès au musée de Rouen (cf. Rosenberg
(P.), 1998) ; coll. Pierre Armand, marquis de Gouvello et de Keriaval (1782-1870) ; acquis de ce dernier, 1869.
Commentaire
Resté inachevé, l’Apollon amoureux de Daphné est probablement la dernière peinture de Poussin. L’artiste en fit don, en 1663 ou 1664, à son ami Camillo Massimi, futur cardinal, mais surtout amateur d’art éclairé qui avait formé son goût au cours de longues discussions avec le peintre. Le tableau n’est entré au Louvre que tardivement, en 1869, après avoir fait partie des collections du peintre Guillaume Guillon-Lethière, directeur de l’Académie de France à Rome entre 1807 et 1811, du célèbre facteur de pianos Sébastien Erard, de Charles Paillet, fils de l’illustre expert Alexandre Joseph Paillet, enfin du collectionneur Pierre Armand, marquis de Gouvello. L’Apollon amoureux de Daphné n’étant peu ou pas connu en France, c’est Le Déluge qui bénéficia longtemps de l’aura de la dernière oeuvre du maître. Bien que la composition ait été analysée dans ses moindres détails, sa signification profonde nous échappe toujours. Chaque étude a donné lieu à une interprétation
nouvelle, démontrant ainsi la fécondité de l’oeuvre. Pour Erwin Panofsky, l’Apollon et Daphné est la première expression visuelle d’un aspect d’Apollon développé par Lucien de Samosate, repris par Blaise de Vigenère : « Apollon infortuné en ses amours » (cf. Panofsky, 1950). Pour Anthony Blunt, le tableau exprime le concept héraclitéen d’harmonie des contraires (concordia discors), de point d’équilibre entre les forces vitales et destructrices, entre la fécondité et la stérilité (cf. Blunt, 1967). Pour Alain Mérot, le tableau est une allégorie du « sage créateur », qui a poursuivi la beauté, qui l’a parfois approchée, mais qui sait désormais, tout en envisageant cette certitude avec sérénité, qu’il ne l’atteindra jamais (cf. Mérot, 2011). Enfin, pour Charles Dempsey, l’Apollon et Daphné est l’« ultime pensée de l’artiste sur le grand thème de l’Arcadie » (cf. Dempsey, 1996). Poussin est parti d’un « scherzo archéologisant », c’est-à-dire qu’il a imaginé à quoi pouvait ressembler l’Apollon sauroctone, célèbre groupe sculpté de Praxitèle cité par Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle (XXXIV, 10) : « un jeune Apollon qui guette
avec une flèche un lézard se glissant près de lui, et qu’on appelle Sauroctone » (trad. Émile Littré). En témoigne un dessin préparatoire conservé au Louvre (plume et encre brune, lavis gris ; 18,8 × 25,6 cm ; inv. R.F. 761 ; cf. Rosenberg (P.) et Prat, 1994, I, no 374). La première idée de Poussin dériverait donc de la tradition
renaissante du « paragone » faisant rivaliser les différentes formes d’expression artistique. Plus précisément, le dessin s’inscrit dans un contexte archéologique de reconstitution de l’art antique à partir des sources anciennes, et, en particulier, de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien. Pour le vol des flèches, les deux seules sources facilement accessibles à Poussin étaient les Images de Philostrate et la Mythologie de Natale Conti. Poussin a ensuite renoncé à évoquer l’Apollon sauroctone de Praxitèle en prêtant au dieu une attitude de repos nonchalante et mélancolique, ce dont témoigne le dessin conservé à la Biblioteca Reale à Turin
(plume et encre brune sur traces de pierre noire ; 29,0 × 42,5 cm ; inv. 16295 ; cf. Rosenberg (P.) et Prat, 1994, I, no 380). Dans cette étape du projet, l’artiste accorde une place prépondérante au paysage, dans une sorte de méditation sur l’Arcadie de Virgile et de Sannazaro qui contribue au charme du tableau du Louvre. Enfin, dans une dernière étape de la genèse de l’oeuvre, Poussin introduit un mystérieux corps mort découvert par deux figures féminines à l’arrière-plan. Les
hypothèses sur son identité ont été nombreuses : Narcisse pour Wolfgang Stechow (cf. Stechow, 1932), Hyacinthe pour Erwin Panofsky (cf. Panofsky, 1950), Daphnis pour Oskar Bätschmann (cf. Bätschmann, 1996), enfin Leucippe pour Charles Dempsey (cf. Dempsey, 1996). Cette dernière proposition nous paraît la
plus convaincante. Si la source ancienne est Pausanias, Poussin a certainement fait un retour au texte de Natale Conti, qui décrit également le destin de Leucippe : « On dit que Leucippe, à la sollicitation d’Apollon, qui lui enviait l’heur d’être aimé de Daphné, s’habilla en fille, et se trouvant en la compagnie des autres filles, elles l’invitèrent à se baigner avec elles en la rivière de Ladon : ce qu’il refusa de faire, s’en excusant le plus qu’il put, mais enfin elles l’entraînèrent et le firent dépouiller, et par ce moyen les compagnes de Diane découvrant qu’il s’était déguisé, le firent mourir à coup de traits et de poignards » (cf. Conti, [1551] éd. 1627, p. 332). Ce corps mort accentue le caractère sombre et mélancolique du tableau. En outre, Leucippe fait la relation entre les deux figures extrêmes de la composition : Apollon, dont il était le rival, et Daphné, dont il était amoureux. La seule incohérence est géographique : suivant le récit d’Ovide, l’épisode d’Apollon et Daphné se déroule en Thessalie, le dieu-fleuve Pénée étant le père de Daphné. L’épisode de Leucippe est en revanche rattaché à une version arcadienne de la légende de Daphné, celle-ci ayant pour père le dieu-fleuve Ladon (cf. Dempsey, 1996). En voulant restituer une cohérence géographique entièrement arcadienne, Dempsey est contraint de renoncer à Ovide. Or, dans la toute dernière étape préparatoire, le dessin conservé aux Offices que Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat considèrent comme la
dernière feuille conservée de la main de Poussin, l’artiste se réfère incontestablement aux Métamorphoses d’Ovide en représentant Jupiter et Io à l’arrière-plan (plume et encre brune, pierre noire ; 35,5 × 54,8 cm ; inv. 8105 S ; cf. Rosenberg (P.) et Prat, 1994, I, no 382). Dans ce dessin, comme dans le tableau du Louvre, l’attitude de Daphné, enlaçant son père le dieu-fleuve Pénée, est également empruntée aux Métamorphoses. Ce geste correspond à un moment précis du récit d’Ovide, lorsque la jeune fille demande à son père de lui accorder de rester éternellement vierge, tout comme Diane : « Souvent son père lui a dit : Tu me dois des petits-enfants, ma fille. Mais elle, comme s’il s’agissait d’un crime, elle a horreur des torches conjugales ; la rougeur de la honte se répand sur son beau visage, et, ses bras caressants suspendus au cou de son père, elle lui répond : Permets-moi, père bien aimé, de jouir éternellement de ma virginité ; Diane l’a bien obtenu du sien » (Métamorphoses, livre I, v. 481-487 ; trad. Georges Lafaye). Poussin a été directement inspiré par le vers d’Ovide : « suspendu au cou de son père, Inque patris haerens cervice lacertis » dans le texte original, ou dans la traduction italienne de Giovanni Andrea dell’Anguillara, dont Poussin s’est probablement servi : « il collo al padre dolcemente abraccia ». Rappelons que dans les Métamorphoses, après la description si évocatrice du monde émergeant du chaos, des âges successifs et des crimes de Lycaon appelant le châtiment divin du déluge, l’épisode d’Apollon et Daphné constitue la première manifestation de la puissance souveraine de l’Amour. C’est la force qui triomphe des dieux et des hommes et qui empêche le monde de retourner au chaos. Dans le tableau de Poussin, il montre la face sombre de sa puissance : il réduit Apollon à l’impuissance et provoque la mort de Leucippe : l’Amour est en train de décocher une flèche de plomb et non une
flèche d’or. Apollon est frustré et trompé par Mercure, il est séparé par toute la largeur du tableau d’une Daphné enlaçant étroitement son père comme pour mieux échapper au monde. Avec une grande sérénité et une sorte de distance, aboutissement d’une longue genèse, l’Apollon amoureux de Daphné témoigne d’une vision du monde profondément ovidienne. Il met en scène les acteurs qui vont jouer le drame de la vie, de l’amour et de la mort pour la première fois avant qu’il ne se répète à d’innombrables reprises. Il montre la puissance vitale et destructrice de l’Amour tandis que la beauté terrestre, son objet, s’échappe sans cesse pour prendre des formes nouvelles. Tableau inachevé mais longuement médité, où de vastes zones laissent voir la couche de préparation grise sous-jacente, où chaque trait de pinceau semble avoir coûté un effort, l’Apollon amoureux de Daphné dévoile les ressorts mais aussi les limites de toute création artistique. Outre les trois dessins préparatoires cités, témoignant du processus de création de l’oeuvre, il faut mentionner la superbe feuille très proche du tableau conservée au Louvre (plume et encre
brune, lavis brun et pierre noire ; 30,7 × 43,9 cm ; Inv. 32448 ; cf. Rosenberg (P.) et Prat, 1994, I, no 381). Le tableau est peint sur une toile fine comprenant 17 × 17 fils au cm2 et sur une couche d’impression brun-rouge composée d’une terre ferrugineuse mêlée à de l’ocre rouge. L’oeuvre a été restaurée en couche picturale par René Longa à Montauban en 1940, puis par Pierre Michel au Louvre entre 1956 et 1958. Une nouvelle restauration en couche picturale a été menée par Jacques Roullet en 1984.
Donné avant sa mort par Poussin au cardinal Camillo Massimi (1620-1677) ; acquis au palais Massimi par le peintre Guillaume Guillon-Lethière (1760-1870), directeur de l’Académie de France à Rome entre 1807 et 1811 ; proposé à l’achat sans succès en 1818 pour 6 000 francs au prince Eugène de Beauharnais
(1781-1824). – Coll. du facteur d’instruments de musique le chevalier Sébastien Erard (1752-1831) ; sa vente, Paris, 9 août 1832, no 191 ; acquis à cette vente par Charles Paillet, le fils du célèbre expert et marchand de tableaux Alexandre Joseph Paillet (1743-1814), et proposé sans succès au musée de Rouen (cf. Rosenberg
(P.), 1998) ; coll. Pierre Armand, marquis de Gouvello et de Keriaval (1782-1870) ; acquis de ce dernier, 1869.
Commentaire
Resté inachevé, l’Apollon amoureux de Daphné est probablement la dernière peinture de Poussin. L’artiste en fit don, en 1663 ou 1664, à son ami Camillo Massimi, futur cardinal, mais surtout amateur d’art éclairé qui avait formé son goût au cours de longues discussions avec le peintre. Le tableau n’est entré au Louvre que tardivement, en 1869, après avoir fait partie des collections du peintre Guillaume Guillon-Lethière, directeur de l’Académie de France à Rome entre 1807 et 1811, du célèbre facteur de pianos Sébastien Erard, de Charles Paillet, fils de l’illustre expert Alexandre Joseph Paillet, enfin du collectionneur Pierre Armand, marquis de Gouvello. L’Apollon amoureux de Daphné n’étant peu ou pas connu en France, c’est Le Déluge qui bénéficia longtemps de l’aura de la dernière oeuvre du maître. Bien que la composition ait été analysée dans ses moindres détails, sa signification profonde nous échappe toujours. Chaque étude a donné lieu à une interprétation
nouvelle, démontrant ainsi la fécondité de l’oeuvre. Pour Erwin Panofsky, l’Apollon et Daphné est la première expression visuelle d’un aspect d’Apollon développé par Lucien de Samosate, repris par Blaise de Vigenère : « Apollon infortuné en ses amours » (cf. Panofsky, 1950). Pour Anthony Blunt, le tableau exprime le concept héraclitéen d’harmonie des contraires (concordia discors), de point d’équilibre entre les forces vitales et destructrices, entre la fécondité et la stérilité (cf. Blunt, 1967). Pour Alain Mérot, le tableau est une allégorie du « sage créateur », qui a poursuivi la beauté, qui l’a parfois approchée, mais qui sait désormais, tout en envisageant cette certitude avec sérénité, qu’il ne l’atteindra jamais (cf. Mérot, 2011). Enfin, pour Charles Dempsey, l’Apollon et Daphné est l’« ultime pensée de l’artiste sur le grand thème de l’Arcadie » (cf. Dempsey, 1996). Poussin est parti d’un « scherzo archéologisant », c’est-à-dire qu’il a imaginé à quoi pouvait ressembler l’Apollon sauroctone, célèbre groupe sculpté de Praxitèle cité par Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle (XXXIV, 10) : « un jeune Apollon qui guette
avec une flèche un lézard se glissant près de lui, et qu’on appelle Sauroctone » (trad. Émile Littré). En témoigne un dessin préparatoire conservé au Louvre (plume et encre brune, lavis gris ; 18,8 × 25,6 cm ; inv. R.F. 761 ; cf. Rosenberg (P.) et Prat, 1994, I, no 374). La première idée de Poussin dériverait donc de la tradition
renaissante du « paragone » faisant rivaliser les différentes formes d’expression artistique. Plus précisément, le dessin s’inscrit dans un contexte archéologique de reconstitution de l’art antique à partir des sources anciennes, et, en particulier, de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien. Pour le vol des flèches, les deux seules sources facilement accessibles à Poussin étaient les Images de Philostrate et la Mythologie de Natale Conti. Poussin a ensuite renoncé à évoquer l’Apollon sauroctone de Praxitèle en prêtant au dieu une attitude de repos nonchalante et mélancolique, ce dont témoigne le dessin conservé à la Biblioteca Reale à Turin
(plume et encre brune sur traces de pierre noire ; 29,0 × 42,5 cm ; inv. 16295 ; cf. Rosenberg (P.) et Prat, 1994, I, no 380). Dans cette étape du projet, l’artiste accorde une place prépondérante au paysage, dans une sorte de méditation sur l’Arcadie de Virgile et de Sannazaro qui contribue au charme du tableau du Louvre. Enfin, dans une dernière étape de la genèse de l’oeuvre, Poussin introduit un mystérieux corps mort découvert par deux figures féminines à l’arrière-plan. Les
hypothèses sur son identité ont été nombreuses : Narcisse pour Wolfgang Stechow (cf. Stechow, 1932), Hyacinthe pour Erwin Panofsky (cf. Panofsky, 1950), Daphnis pour Oskar Bätschmann (cf. Bätschmann, 1996), enfin Leucippe pour Charles Dempsey (cf. Dempsey, 1996). Cette dernière proposition nous paraît la
plus convaincante. Si la source ancienne est Pausanias, Poussin a certainement fait un retour au texte de Natale Conti, qui décrit également le destin de Leucippe : « On dit que Leucippe, à la sollicitation d’Apollon, qui lui enviait l’heur d’être aimé de Daphné, s’habilla en fille, et se trouvant en la compagnie des autres filles, elles l’invitèrent à se baigner avec elles en la rivière de Ladon : ce qu’il refusa de faire, s’en excusant le plus qu’il put, mais enfin elles l’entraînèrent et le firent dépouiller, et par ce moyen les compagnes de Diane découvrant qu’il s’était déguisé, le firent mourir à coup de traits et de poignards » (cf. Conti, [1551] éd. 1627, p. 332). Ce corps mort accentue le caractère sombre et mélancolique du tableau. En outre, Leucippe fait la relation entre les deux figures extrêmes de la composition : Apollon, dont il était le rival, et Daphné, dont il était amoureux. La seule incohérence est géographique : suivant le récit d’Ovide, l’épisode d’Apollon et Daphné se déroule en Thessalie, le dieu-fleuve Pénée étant le père de Daphné. L’épisode de Leucippe est en revanche rattaché à une version arcadienne de la légende de Daphné, celle-ci ayant pour père le dieu-fleuve Ladon (cf. Dempsey, 1996). En voulant restituer une cohérence géographique entièrement arcadienne, Dempsey est contraint de renoncer à Ovide. Or, dans la toute dernière étape préparatoire, le dessin conservé aux Offices que Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat considèrent comme la
dernière feuille conservée de la main de Poussin, l’artiste se réfère incontestablement aux Métamorphoses d’Ovide en représentant Jupiter et Io à l’arrière-plan (plume et encre brune, pierre noire ; 35,5 × 54,8 cm ; inv. 8105 S ; cf. Rosenberg (P.) et Prat, 1994, I, no 382). Dans ce dessin, comme dans le tableau du Louvre, l’attitude de Daphné, enlaçant son père le dieu-fleuve Pénée, est également empruntée aux Métamorphoses. Ce geste correspond à un moment précis du récit d’Ovide, lorsque la jeune fille demande à son père de lui accorder de rester éternellement vierge, tout comme Diane : « Souvent son père lui a dit : Tu me dois des petits-enfants, ma fille. Mais elle, comme s’il s’agissait d’un crime, elle a horreur des torches conjugales ; la rougeur de la honte se répand sur son beau visage, et, ses bras caressants suspendus au cou de son père, elle lui répond : Permets-moi, père bien aimé, de jouir éternellement de ma virginité ; Diane l’a bien obtenu du sien » (Métamorphoses, livre I, v. 481-487 ; trad. Georges Lafaye). Poussin a été directement inspiré par le vers d’Ovide : « suspendu au cou de son père, Inque patris haerens cervice lacertis » dans le texte original, ou dans la traduction italienne de Giovanni Andrea dell’Anguillara, dont Poussin s’est probablement servi : « il collo al padre dolcemente abraccia ». Rappelons que dans les Métamorphoses, après la description si évocatrice du monde émergeant du chaos, des âges successifs et des crimes de Lycaon appelant le châtiment divin du déluge, l’épisode d’Apollon et Daphné constitue la première manifestation de la puissance souveraine de l’Amour. C’est la force qui triomphe des dieux et des hommes et qui empêche le monde de retourner au chaos. Dans le tableau de Poussin, il montre la face sombre de sa puissance : il réduit Apollon à l’impuissance et provoque la mort de Leucippe : l’Amour est en train de décocher une flèche de plomb et non une
flèche d’or. Apollon est frustré et trompé par Mercure, il est séparé par toute la largeur du tableau d’une Daphné enlaçant étroitement son père comme pour mieux échapper au monde. Avec une grande sérénité et une sorte de distance, aboutissement d’une longue genèse, l’Apollon amoureux de Daphné témoigne d’une vision du monde profondément ovidienne. Il met en scène les acteurs qui vont jouer le drame de la vie, de l’amour et de la mort pour la première fois avant qu’il ne se répète à d’innombrables reprises. Il montre la puissance vitale et destructrice de l’Amour tandis que la beauté terrestre, son objet, s’échappe sans cesse pour prendre des formes nouvelles. Tableau inachevé mais longuement médité, où de vastes zones laissent voir la couche de préparation grise sous-jacente, où chaque trait de pinceau semble avoir coûté un effort, l’Apollon amoureux de Daphné dévoile les ressorts mais aussi les limites de toute création artistique. Outre les trois dessins préparatoires cités, témoignant du processus de création de l’oeuvre, il faut mentionner la superbe feuille très proche du tableau conservée au Louvre (plume et encre
brune, lavis brun et pierre noire ; 30,7 × 43,9 cm ; Inv. 32448 ; cf. Rosenberg (P.) et Prat, 1994, I, no 381). Le tableau est peint sur une toile fine comprenant 17 × 17 fils au cm2 et sur une couche d’impression brun-rouge composée d’une terre ferrugineuse mêlée à de l’ocre rouge. L’oeuvre a été restaurée en couche picturale par René Longa à Montauban en 1940, puis par Pierre Michel au Louvre entre 1956 et 1958. Une nouvelle restauration en couche picturale a été menée par Jacques Roullet en 1984.
Collector / Previous owner / Commissioner / Archaeologist / Dedicatee
Massimi, Camillo, Propriétaire
Acquisition details
achat
Acquisition date
date : 1869
Owned by
Etat
Held by
Musée du Louvre, Département des Peintures
Location of object
Current location
Napoléon, Salle 001 - Expositions temporaires Hall Napoléon
Index
Mode d'acquisition
Bibliography
- Milovanovic, Nicolas ; Szanto, Mickaël ; Virassamynaïken, Ludmila, sous la direction scientifique de, Poussin & l'amour et Picasso / Poussin / Bacchanales, cat. exp. Musée des Beaux-Arts de Lyon 26/11 au 05/03/2023. Lyon, Paris, Musée des Beaux-Arts et In Fine éditions d'art, 2022., p. 13, 22, 28, 36, 38, 45, 47, 48, 71, 81, 86-89, 93, 94, 109, 116, 233, 238, 255, 276-281, ill. coul. p. 278, détail, p. 81? 89? 281, cat. 45, fig. 57
- Milovanovic, Nicolas, Peintures françaises du XVIIe du musée du Louvre, Editions Gallimard / Musée du Louvre Editions, 2021, p. 182, 14-215, ill.coul., n°439
- Milovanovic, Nicolas, « Editorial », Revue de l'art, 198/2017-4, 2017, p. 5-6, p. 6
- Milovanovic, Nicolas, « Chemin de l'invention: la genèse de l' "Apollon amoureux de Daphné" du Louvre », Revue de l'art, 198/2017-4, 2017, p.17-27, p. 17-27, p.18
- Szanto, Mickaël, « Poussin, Roma, Amor : Méditations sur une tempête à Babylone », Revue de l'art, 198/2017-4, 2017, p. 7-16, p. 12
- Szanto, Mickaël ; Milovanovic, Nicolas (dir.), Poussin et Dieu, cat. exp. (Paris, musée du Louvre, 30 mars - 29 juin 2015), Paris, Hazan/ Louvre éditions, 2015, p. 60-61
- Rosenberg, Pierre, Nicolas Poussin : les tableaux du Louvre, Paris, Louvre éditions/ Somogy, 2015, p. 330-339, coul., n° 40
- Gauguin, Cézanne, Matisse: Visions of Arcadia, cat. exp. (Philadelphia, Philadelphia Museum of Art, du 20 juin au 3 septembre 2012), New Haven, Yale University Press, 2012, p. 125; 229, fig. 136 coul., p. 124, p. 229
- Poussin et Moïse. Du dessin à la tapisserie, 1, cat. exp. (Rome, Villa Médicis, 7 avril - 5 juin 2011/ Bordeaux, Musée des Beaux-Arts, 30 juin - 26 septembre 2011), Rome, Drago, 2011,
- Mérot, Alain, Poussin, Paris, Hazan, 2011, n°119
- Loire, Stéphane, Musée du Louvre. Peintures françaises. XIVe-XVIIe siècles. Guide de visite, Paris, Réunion des musées nationaux, 1989, p. 76, ill. coul.
- Compin, Isabelle ; Roquebert, Anne, Catalogue sommaire illustré des peintures du musée du Louvre et du musée d'Orsay. IV. Ecole française, L-Z, Paris, R.M.N., 1986, p. 146, ill. n&b
- Compin, Isabelle ; Reynaud, Nicole ; Rosenberg, Pierre, Musée du Louvre. Catalogue illustré des peintures. Ecole française. XVIIe et XVIIIe siècles : II, M-Z, Paris, Musées nationaux, 1974, p. 68, 212, fig. 686, n° 686
- Compin, Isabelle ; Reynaud, Nicole, Catalogue des peintures du musée du Louvre. I, Ecole française, Paris, R.M.N., 1972, p. 303
- Brière, Gaston, Musée national du Louvre. Catalogue des peintures exposées dans les galeries. I.Ecole française, Paris, Musées nationaux, 1924, p. 210, n° 742
- Grautoff, Otto, Nicolas Poussin : sein Werk und sein Leben, 2 vol., Münich, Georg Müller, 1914, n°160
Exhibition history
- Poussin et l'amour, Lyon (Externe, France), Musée des Beaux-Arts, 26/11/2022 - 05/03/2023
- Poussin, Paris (France), Galeries nationales du Grand Palais, 27/09/1994 - 02/01/1995, étape d'une exposition itinérante
Last updated on 29.10.2024
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