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Le Couronnement de l'empereur Napoléon Ier et de l'impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804.
1807
INV 3699 ; MR 1437
Département des Peintures
Actuellement visible au Louvre
Salle 702
Aile Denon, Niveau 1
Inventory number
Numéro principal : INV 3699
Autre numéro d'inventaire : MR 1437
Autre numéro d'inventaire : MR 1437
Collection
Artist/maker / School / Artistic centre
David, Jacques-Louis
(Paris, 1748 - Bruxelles, 1825)
France École de
Rouget, Georges (Paris, 1783 - Paris, 1869), Peintre, Participation
Degotti, Ignazio Eugenio (Turin, 28/02/1758 - Paris, 31/12/1824), Peintre, Participation
France École de
Rouget, Georges (Paris, 1783 - Paris, 1869), Peintre, Participation
Degotti, Ignazio Eugenio (Turin, 28/02/1758 - Paris, 31/12/1824), Peintre, Participation
Description
Object name/Title
Titre : Le Couronnement de l'empereur Napoléon Ier et de l'impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804.
Autre titre : Le Sacre de l'empereur Napoléon Ier
Autre titre : Le Sacre de l'empereur Napoléon Ier
Description/Features
Extrait de "Description du tableau exposé au musée Napoléon, représentant le couronnement de Leurs Majestés impériales et royales, peint par M. David, peintre de Leurs Majestés" [Paris, Labarre, 1808] : "Ce tableau a trente pieds de large et dix-neuf de haut. On y voit plus de deux cents figures grandes comme nature. Voulant, autant qu'il était possible, représenter dans une seule action le couronnement de l'empereur et celui de l'impératrice, qui, lors de la cérémonie, n'eurent lieu que successivement, l'artiste a choisi le moment où l'empereur, après avoir lui-même posé sur son front, l'une après l'autre, deux couronnes, vient d'y reprendre la seconde, et où l'élevant dans ses deux mains, il s'apprête à la placer sur la tête de son auguste épouse. Ces deux figures principales occupent le centre du tableau. L'empereur [Napoléon Ier] est debout sur une des marches de l'autel ; il est revêtu d'une robe de satin blanc, un grand manteau de velours cramoisi, parsemé d'abeilles d'or et frangé de même, ceinture à frange d'or. Il a les bras élevés, et tient la couronne qu'il va poser sur la tête de l'impératrice [Joséphine], qui est à genoux sur un carreau [coussin] de velours violet, semé d'abeilles et à glands d'or ; elle est vêtue de blanc, et son manteau est porté par Mesdames de La Rochefoucauld et de La Valette [respectivement dame d'honneur et dame d'atour de l'impératrice]. Ces dames sont vêtues de blanc et portent, ainsi que sa Majesté l'impératrice, un diadème sur la tête.
En regardant à droite, derrière l'empereur, on voit le pape [Pie VII] assis dans un fauteuil [vêtu de blanc et portant une calotte blanche sur la tête, il effectue un geste de bénédiction avec le bras droit]. A droite du pape, le cardinal-légat Caprara [il est en soutane rouge, camail doublé d'hermine, une calotte rouge sur la tête] ; à côté de celui-ci, le cardinal Braschi : il est debout, la mitre sur la tête, revêtu d'une superbe châpe dorée ; il a les mains jointes. [...] A la gauche du pape [au premier plan du tableau, vers la droite], on aperçoit l'architrésorier [Charles François Lebrun], tournant le dos ; il est coiffé à la Henri IV [toque noire entourée de plumes blanches], portant un manteau violet, brodé en or, et à la main gauche un bâton surmonté de l'aigle impérial. Derrière lui, et de profil, se trouve l'archi-chancelier [Jean-Jacques Régis Cambacérès], même costume : il tient également la main de justice. Suit le prince de Neufchâtel [Louis Alexandre Berthier, grand veneur], habillé de même, portant sur son coussin une boule surmontée d'une croix. Presque au coin du tableau, toujours à droite, le prince de Bénévent [Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, grand chambellan], chapeau à la Henri IV, manteau rouge [...]. Au-dessus de la tête du prince de Bénévent, vous voyez le vice-roi d'Italie [Eugène de Beauharnais, colonel général des hussards], nu-tête, vêtu à la hussarde, décoré de son cordon rouge [de l'ordre de la Légion d'honneur] ; il a la main appuyée sur son sabre, qui se trouve devant l'enfant de choeur qui tient l'encensoir. A côté de lui le grand écuyer [Armand de Caulaincourt], en habit brodé, plume blanche à sa coiffure. Le prince de Ponte-Corvo [Jean-Baptiste Bernadotte] se trouve à ses côtés ; il est nu-tête."
En regardant à droite, derrière l'empereur, on voit le pape [Pie VII] assis dans un fauteuil [vêtu de blanc et portant une calotte blanche sur la tête, il effectue un geste de bénédiction avec le bras droit]. A droite du pape, le cardinal-légat Caprara [il est en soutane rouge, camail doublé d'hermine, une calotte rouge sur la tête] ; à côté de celui-ci, le cardinal Braschi : il est debout, la mitre sur la tête, revêtu d'une superbe châpe dorée ; il a les mains jointes. [...] A la gauche du pape [au premier plan du tableau, vers la droite], on aperçoit l'architrésorier [Charles François Lebrun], tournant le dos ; il est coiffé à la Henri IV [toque noire entourée de plumes blanches], portant un manteau violet, brodé en or, et à la main gauche un bâton surmonté de l'aigle impérial. Derrière lui, et de profil, se trouve l'archi-chancelier [Jean-Jacques Régis Cambacérès], même costume : il tient également la main de justice. Suit le prince de Neufchâtel [Louis Alexandre Berthier, grand veneur], habillé de même, portant sur son coussin une boule surmontée d'une croix. Presque au coin du tableau, toujours à droite, le prince de Bénévent [Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, grand chambellan], chapeau à la Henri IV, manteau rouge [...]. Au-dessus de la tête du prince de Bénévent, vous voyez le vice-roi d'Italie [Eugène de Beauharnais, colonel général des hussards], nu-tête, vêtu à la hussarde, décoré de son cordon rouge [de l'ordre de la Légion d'honneur] ; il a la main appuyée sur son sabre, qui se trouve devant l'enfant de choeur qui tient l'encensoir. A côté de lui le grand écuyer [Armand de Caulaincourt], en habit brodé, plume blanche à sa coiffure. Le prince de Ponte-Corvo [Jean-Baptiste Bernadotte] se trouve à ses côtés ; il est nu-tête."
Inscriptions
Inscription :
"1806 & 1807." (daté en bas à gauche)
Signature :
Signé en bas à droite : L. David. f.ebat.
Daté en bas à gauche : 1806 & 1807.
"1806 & 1807." (daté en bas à gauche)
Signature :
Signé en bas à droite : L. David. f.ebat.
Daté en bas à gauche : 1806 & 1807.
Physical characteristics
Dimensions
Hauteur : 6,21 m ; Largeur : 9,79 m
Materials and techniques
huile sur toile
Places and dates
Date
1e quart du XIXe siècle (1807)
History
Object history
Historique résumé :
Le tableau est une commande passée par l'empereur Napoléon Ier trois mois avant les cérémonies du sacre, sans indiquer de destination précise. Exécutée en deux ans par David avec l'aide de deux assistants, et payée 65 000 francs au total, la peinture achevée à la fin de l'année 1807 est présentée pour la première fois au public au musée du Louvre en février 1808. Exposé temporairement à deux autres reprises au Louvre sous le Premier Empire, il est ensuite visible sur demande, dans l'atelier parisien de David, jusqu'en 1815. Sous la Seconde Restauration (de 1815 à 1830), le tableau n'est plus visible mais son appartenance aux biens de la Couronne est confirmée car il est inscrit sur l'inventaire des Musées royaux. Trente ans après sa création, l'oeuvre est exposée pour la première fois en permanence dans un espace public : d'abord au château de Versailles (de 1837 à 1889), puis au Palais des beaux-arts à Paris (en 1889) et enfin au musée du Louvre (de 1890 à nos jours).
Historique complet détaillé :
Commandé à l’artiste par l’empereur Napoléon Ier, en septembre 1804, sans prix fixé à l'avance et sans destination précise, ensemble avec trois autres tableaux commémorant les cérémonies relatives au sacre de l'empereur, à Paris du 2 au 5 décembre 1804 ("La distribution des aigles", achevé en 1810 et conservé au château de Versailles, "L'intronisation" jamais exécuté, et "L'arrivée de l'empereur et de l'impératrice à l'hôtel de ville de Paris" jamais exécuté non plus) ; estimé à 100 000 francs par David en juin 1806, mais payé 65 000 francs par l’Intendance générale de la Maison de l’empereur, en trois versements (25 000 francs en juin 1805, 15 000 francs en avril 1806 et 25 000 francs en août 1807) ; peint du 21 décembre 1805 à mi-novembre 1807 (quelques retouches ajoutées en janvier 1808) avec l’assistance d'Ignace Eugène Degotti (pour le décor architectural et la perspective) et de Georges Rouget (pour les personnages), dans l’atelier aménagé pour David dans la chapelle désaffectée de l’ancien collège de Cluny, place de la Sorbonne à Paris ; pourvu d’un cadre doré fourni par Potrelle au prix de 1110 francs le 2 décembre 1807 ; déplacé de la chapelle de l’ancien collège de Cluny au Musée Napoléon (Louvre), début février 1808 ; exposé dans le Salon carré du Musée Napoléon (Louvre), Paris, du 7 février au 21 mars 1808, puis pendant l’exposition du Salon de 1808 (ouvert du 14 octobre 1808 à début janvier 1809), Paris, Musée Napoléon (Louvre), n° 144 du livret ; rentré à l’atelier de David, chapelle de l'ancien collège de Cluny, en 1809 ; déplacé au musée Napoléon en 1810 et présenté à l’exposition des Prix décennaux (du 25 août 1810 à octobre 1810), Paris, Musée Napoléon ; envisagé, en avril 1811, pour être placé dans la salle des gardes du palais des Tuileries (projet abandonné) ; rentré à l'atelier de David, chapelle de l’ancien collège de Cluny, Paris, au printemps 1811 (où le tableau est visible par les visiteurs de l'atelier) ; déplacé et mis en réserve dans les magasins du Musée royal des arts (Louvre), fin 1819 ; inscrit sur l’inventaire des peintures des Musées royaux sous le n° « MR 1437 » (estimé 80 000 francs), entre 1816 et 1824 ; déplacé vers 1836 au château de Versailles et installé dans la salle du Sacre, au sein des galeries historiques inaugurées le 10 juin 1837 ; réinventorié « INV. 3699 » par le conservateur Frédéric Villot, entre 1852 et 1860 ; mis en sécurité au musée du Louvre à Paris pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871 (déplacé de Versailles au Louvre le 14 septembre 1870 et rentré à Versailles en décembre 1871) ; déplacé de Versailles à Paris en 1889 et prêté à l’Exposition centennale de l’art français, au sein de l'Exposition universelle ouverte du 5 mai au 31 octobre 1889 ; présenté au musée du Louvre, dans la salle des Sept-Cheminées, à partir d'août 1890 jusqu'en septembre 1939 ; mis en sécurité pendant la Seconde guerre mondiale au château de Chèreperrine (Origny-le-Roux, Orne), puis au château de Sourches (Saint-Symphorien, Sarthe) puis au château de Montal (Saint-Jean-Lespinasse, Lot) ; rentré de Montal au musée du Louvre le 7 février 1946 ; présenté en salle Daru d’octobre 1949 à 1969, puis en salle Mollien de 1969 à 1994, puis en salle Daru depuis 1994.
Commentaire :
La scène se situe le 2 décembre 1804, en début d'après-midi, dans le choeur de la cathédrale Notre-Dame de Paris. La cérémonie parachève la loi du 18 mai 1804, jour où le Sénat conservateur a proclamé que le gouvernement de la République était confié à un empereur, et que Napoléon Bonaparte était désigné à cette fonction. Ce mode de désignation est inspiré de l'exemple romain antique (Jules César et Octave Auguste avaient reçu du Sénat de la république romaine le droit de porter le titre d'imperator en permanence). Il donnait une légitimité constitutionnelle que Napoléon a voulu compléter par une légitimité historique et religieuse, en y ajoutant deux traditions, celle du couronnement des empereurs carolingiens et celle du sacre des rois de France. La cérémonie ordonnée par Napoléon à Notre-Dame le 2 décembre, avec le concours du pape Pie VII, avait pour but d'impressionner le peuple français, autant que le reste de l'Europe : en réactivant l'héritage de rituels monarchiques, il marque l'entrée dans une nouvelle ère historique, qui renoue avec un passé rassurant et prestigieux, tout en installant une quatrième dynastie française, celle des Bonaparte (après les Mérovingiens, les Carolingiens et les Capétiens). Original par son caractère hybride, le rituel de la cérémonie conciliait l'idéal religieux du sacre (le corps du monarque est investi de pouvoirs surnaturels par l'apposition d'une huile consacrée par un évêque catholique) avec le geste politique moderne de l'auto-couronnement (l'empereur ne reçoit la couronne de personne d'autre que de lui-même pour rappeler qu'il a conquis le pouvoir suprême par son action personnelle). L'image qui doit passer à la postérité, à travers la commande de tableau faite à David, ne retient donc pas le moment du sacre, mais celui du couronnement : d'une part parce que Napoléon et ses contemporains ne croient plus aux vertus magiques du sacre (qui se traduisait par exemple par le pouvoir thaumaturge des rois de France) et d'autre part parce que le couronnement est un geste plus spectaculaire, universellement compréhensible, et dont Napoléon est le seul acteur, reléguant le pape au rang de témoin.
Appelé familièrement "Le sacre de Napoléon", le tableau représente en réalité le couronnement qui suit le rituel du sacre ou onction (c'est-à-dire l'apposition d'huile consacrée par le pape sur trois zones du corps : le front et les mains du couple impérial). Après la triple onction, les ornements impériaux (épée, manteaux, anneaux, globe) ont été apportés, consacrés par une bénédiction du pape et distribués aux grands dignitaires qui auront la charge de les présenter à l'empereur. Ensuite, Napoléon s'est approché de l'autel, il s'est coiffé de la couronne de laurier d'or, a pris sa couronne qu'il a immobilisée quelques secondes au-dessus de sa tête avant de la remettre aux mains d'un officier. Puis il a reproduit le même geste avec la couronne de l'impératrice, avant de la placer sur la tête de son épouse, agenouillée devant lui : c'est cet instant précis qui est immortalisé par le pinceau de David. La première intention du peintre était de représenter l'instant précédent, quand l'empereur tenait encore, de la main droite, la couronne de l'impératrice au-dessus de sa propre tête, tout en saisissant la dague de son épée de la main gauche. Étudiée par plusieurs dessins préparatoires, cette posture d'auto-couronnement a bien été peinte par David sur la toile, avant d'être entièrement effacée et remplacée par la figure visible aujourd'hui. La correction, effectuée au mois d'août 1806, a pour effet de redresser l'empereur (désormais droit et non plus cambré en arrière), de lui donner une attitude calme, plus adaptée à la solennité et à la dignité de l'instant, et de mettre davantage en valeur son épouse : l'offrande de la couronne crée un lien dynamique et émouvant entre ces deux protagonistes, situés au coeur du tableau. Le couronnement de Joséphine ne signifie pas l'octroi de pouvoirs particuliers, ni même la possibilité pour elle d'exercer la régence. Il s'agit d'une métaphore politique qui récompense en Joséphine la réunion apaisée de toutes les composantes de l'histoire complexe de la France : originaire des Antilles et adoptée par les Parisiens, veuve d'un noble de l'Ancien régime remariée à un général républicain, victime de la Terreur révolutionnaire et mère courageuse de deux enfants adoptés par le nouvel empereur.
À quelques détails près, le décor et les costumes de la cérémonie sont fidèlement reproduits. À cette époque, l'architecture gothique en pierre du choeur de la cathédrale était dissimulée derrière un décor d'arcades en plein cintre en marbre blanc et rose, construit au début du XVIIIe siècle d'après les dessins de Robert de Cotte, architecte du roi Louis XIV. À l'extrémité droite de la scène, on voit l'autel principal surmonté du groupe sculpté en marbre représentant la Vierge de Pitié (dit aussi Pietà), oeuvre du sculpteur Nicolas Coustou (achevée en 1723, toujours en place aujourd'hui). À ce décor permanent s'ajoutent les décorations éphémères conçues spécialement pour la cérémonie par Charles Percier et Pierre Fontaine, architectes de l'empereur : des tapis couvraient entièrement le sol (David en a simplifié les motifs par rapport aux tapis réellement installés pour la cérémonie), des tribunes pour les invités étaient aménagées sous les arcades (les parapets étaient couverts des tentures brodées, en revanche les grands rideaux verts sont une invention de David), le trône pontifical, posé sur une estrade de neuf marches et sous un dais rouge à franges d'or en forme de dôme, était installé du côté nord du choeur (cette installation est visible à mi-hauteur à gauche dans le tableau, David a seulement simplifié l'aspect du dôme en supprimant la couronne de plumes blanches), enfin au milieu du choeur étaient disposés les deux petits trônes réservés au couple impérial, accompagnés de leurs tabourets de pied et de leurs prie-dieux (visibles en bas à gauche du tableau), et protégés par un dais carré suspendu, en tissu vert à frange d'or (visible tout en haut à gauche du tableau).
Détenteur du titre de Premier peintre de l'empereur, David a été chargé par Napoléon Ier, dès le mois de septembre 1804, d'immortaliser quatre moments représentatifs des fêtes du 2 au 5 décembre 1804 : le Couronnement, l'Intronisation, l'Arrivée du couple impérial à l'hôtel de ville de Paris, et la Distribution des aigles sur le Champ-de-mars. Les deux premiers sujets relèvent de la cérémonie religieuse du 2 décembre ; David a participé aux préparatifs et y a assisté en personne, exécutant quelques dessins sur le vif. Dans le tableau du Couronnement, il s'est lui-même représenté dans une tribune, en train de dessiner, entouré de sa famille (son épouse et ses deux filles jumelles), de son assistant Rouget et de ses amis artistes et académiciens. Le peintre a regroupé les autres personnes présentes en fonction de leur rang hiérarchique et fonctionnel : le clergé autour du pape et de l'autel, les ambassadeurs étrangers au fond à droite, les grands officiers de la Maison de l'empereur au premier plan à droite ainsi qu'au centre au second plan, les membres de la famille impériale à gauche au premier plan, les officiers de leurs maisons à gauche au second plan, les artistes et les intellectuels à l'arrière-plan central, en hauteur. L'éclairage, venant des fenêtres hautes de la cathédrale, est concentré au centre du tableau : il permet de mettre en valeur le couple impérial et le pape. L'ensemble constitue à la fois une grande peinture d'histoire moderne et un portrait collectif de la famille et de la cour de Napoléon Ier.
Les principales entorses à la vérité historique de la cérémonie du 2 décembre 1804, sont de deux ordres. D'abord, des modifications répondant à des besoins de propagande politique ont été faites à la demande de l'empereur : quatre personnalités figurent dans le tableau, qui étaient en réalité absentes (Laetitia Bonaparte, mère de l'empereur, le cardinal-légat Caprara, l'ambassadeur du Sultan ottoman et l'ambassadeur de l'empereur romain germanique) ; à l'inverse on note l'invisibilité de quelques personnalités pourtant présentes au coeur de la cérémonie, tel Joseph Fouché, ministre de la Police. Ensuite, pour des raisons esthétiques, David a modifié la disposition générale des personnages ; car, pour mettre en valeur le couple impérial, vu depuis le côté sud du choeur, le peintre devait dégager tout l'avant-plan et masser les autres personnages sur les côtés et à l'arrière-plan, alors qu'ils étaient en réalité répartis dans l'ensemble du choeur, disposés en cercle autour de Napoléon. Enfin, une anomalie historique est à relever : immédiatement à droite de la figure de l'empereur, au second plan, le visage du prêtre au teint gris qui lève les yeux vers Napoléon est inspiré d'un buste réputé représenter Jules César. Ce détail a été ajouté par David pour combler le petit espace libéré par le redressement de la posture de l'empereur. Jules César (100 av. J.-C. - 44 avant J.C), consul et généralissime de la République romaine, fut l'auteur de multiples conquêtes de territoires et proclamé dictateur à vie avant de mourir assassiné, victime d'un complot qui le soupçonnait de vouloir rétablir la monarchie à son profit. Sa discrète présence imaginaire à la cérémonie du 2 décembre 1804 établit une comparaison flatteuse avec la carrière militaire et politique de Napoléon Bonaparte, mais sonne aussi comme un sinistre présage sur les conséquences de l'évolution autocratique et monarchique du Premier consul de la République française.
Aussi vaste que devait l'être le "Serment du jeu de Paume" (1791, resté inachevé et conservé à l'état de fragment au château de Versailles), cette toile est la première de cette taille que David parvient à achever. L'exécution picturale a duré deux années entières (de décembre 1805 à novembre 1807), précédées d'une année de préparation : de décembre 1804 à décembre 1805, David a d'abord eu besoin de concevoir la composition d'ensemble (au moyen de plusieurs esquisses dessinées et peintes), de réfléchir à la disposition et à l'angle de vue de chaque personnage (au moyen d'une maquette en trois dimensions et de petites poupées habillées) et de faire aménager un atelier suffisamment haut et grand pour accueillir la vaste toile et y travailler en disposant du recul nécessaire. Cet atelier, prêté à l'artiste et aménagé aux frais de l'administration impériale, se situe dans une ancienne chapelle gothique désaffectée, place de la Sorbonne à Paris. Pour l'exécution du tableau peint, David a eu recours à deux assistants collaborateurs : le décorateur de théâtre Ignace Degotti (pour l'architecture et la perspective) et le peintre d'histoire et de portraits Georges Rouget (principalement pour les costumes et les accessoires). La scène est peuplée d'environ 190 personnages au total, dont 93 sont des portraits identifiés (59 hommes, 33 femmes et un enfant). Excepté le pape, l'empereur et l'impératrice, la plupart de ces personnes identifiables sont venues poser pour David dans son atelier, et lui ont prêté les costumes et les accessoires qu'elles portaient le jour de la cérémonie. Les autres figures sont des types anonymes, pour lesquels David a fait poser ses élèves ou des personnes de son entourage.
Le tableau presque achevé est montré à l'impératrice Joséphine le 18 novembre 1807, en visite dans l'atelier de David ; elle y retourne le 4 janvier 1808 en compagnie de l'empereur Napoléon Ier et d'officiers de la cour. L'empereur félicite l'artiste et demande seulement une modification : David doit relever le bras droit du pape pour lui faire faire le geste de bénédiction. Le tableau est exposé, seul, au Musée Napoléon (Louvre) le mois suivant, sans attendre l'exposition biennale du Salon qui commence en octobre 1808 (et où le tableau figurera). Le succès public et critique est unanime, même s'il faut garder à l'esprit que le régime impérial exerce une censure sévère sur la presse et l'expression des opinions. Malgré ce succès, David, qui demande à être payé 100 000 francs pour cette oeuvre, n'en obtient finalement que 65 000 francs, au terme d'une longue négociation entre l'artiste et le comte Daru, intendant général de la Maison de l'empereur, qui se termine en février 1810. Envisagé un temps pour décorer la salle des gardes du palais des Tuileries, le tableau ne trouve finalement pas de destination immédiate ; le divorce de l'empereur avec Joséphine, en décembre 1809, ôte au tableau son caractère actuel et empêche probablement de l'installer dans une résidence impériale, aux yeux de la nouvelle impératrice Marie-Louise. Sous le Premier Empire, le tableau est exposé au total pendant six mois et demi au grand public, au musée Napoléon ; le reste du temps il est confié à la garde de David, dans son atelier place de la Sorbonne, accessible aux amateurs d'art qui en font la demande. Le peintre profite de la disponibilité du tableau pour contrôler sa reproduction en gravure et commencer en 1808 l'exécution d'une copie peinte grandeur nature commandée par un groupe d'entrepreneurs des États-Unis d'Amérique. Le tableau reste dans son atelier après le départ en exil de David pour Bruxelles, en janvier 1816. L'administration des Musées (devenus royaux) procède à sa récupération à la fin de l'année 1819 mais ne l'expose pas au public, pour des raisons politiques. Le roi Louis-Philippe, monté sur le trône en juillet 1830, désireux de mettre en valeur l'héritage napoléonien dans les galeries historiques créées au château de Versailles, lui affecte un emplacement au premier étage du château, dans une salle illustrant l'histoire du Consulat et des débuts du Premier Empire (dite "salle du Sacre"). Trente ans après sa création, le "Couronnement" trouve pour la première fois une destination durable dans un lieu public. Le tableau y reste une cinquantaine d'années (de 1837 à 1889), avant d'être transféré au musée du Louvre où, excepté pendant les deux guerres mondiales, il est exposé en permanence depuis août 1890.
(Côme Fabre, avril 2025)
Le tableau est une commande passée par l'empereur Napoléon Ier trois mois avant les cérémonies du sacre, sans indiquer de destination précise. Exécutée en deux ans par David avec l'aide de deux assistants, et payée 65 000 francs au total, la peinture achevée à la fin de l'année 1807 est présentée pour la première fois au public au musée du Louvre en février 1808. Exposé temporairement à deux autres reprises au Louvre sous le Premier Empire, il est ensuite visible sur demande, dans l'atelier parisien de David, jusqu'en 1815. Sous la Seconde Restauration (de 1815 à 1830), le tableau n'est plus visible mais son appartenance aux biens de la Couronne est confirmée car il est inscrit sur l'inventaire des Musées royaux. Trente ans après sa création, l'oeuvre est exposée pour la première fois en permanence dans un espace public : d'abord au château de Versailles (de 1837 à 1889), puis au Palais des beaux-arts à Paris (en 1889) et enfin au musée du Louvre (de 1890 à nos jours).
Historique complet détaillé :
Commandé à l’artiste par l’empereur Napoléon Ier, en septembre 1804, sans prix fixé à l'avance et sans destination précise, ensemble avec trois autres tableaux commémorant les cérémonies relatives au sacre de l'empereur, à Paris du 2 au 5 décembre 1804 ("La distribution des aigles", achevé en 1810 et conservé au château de Versailles, "L'intronisation" jamais exécuté, et "L'arrivée de l'empereur et de l'impératrice à l'hôtel de ville de Paris" jamais exécuté non plus) ; estimé à 100 000 francs par David en juin 1806, mais payé 65 000 francs par l’Intendance générale de la Maison de l’empereur, en trois versements (25 000 francs en juin 1805, 15 000 francs en avril 1806 et 25 000 francs en août 1807) ; peint du 21 décembre 1805 à mi-novembre 1807 (quelques retouches ajoutées en janvier 1808) avec l’assistance d'Ignace Eugène Degotti (pour le décor architectural et la perspective) et de Georges Rouget (pour les personnages), dans l’atelier aménagé pour David dans la chapelle désaffectée de l’ancien collège de Cluny, place de la Sorbonne à Paris ; pourvu d’un cadre doré fourni par Potrelle au prix de 1110 francs le 2 décembre 1807 ; déplacé de la chapelle de l’ancien collège de Cluny au Musée Napoléon (Louvre), début février 1808 ; exposé dans le Salon carré du Musée Napoléon (Louvre), Paris, du 7 février au 21 mars 1808, puis pendant l’exposition du Salon de 1808 (ouvert du 14 octobre 1808 à début janvier 1809), Paris, Musée Napoléon (Louvre), n° 144 du livret ; rentré à l’atelier de David, chapelle de l'ancien collège de Cluny, en 1809 ; déplacé au musée Napoléon en 1810 et présenté à l’exposition des Prix décennaux (du 25 août 1810 à octobre 1810), Paris, Musée Napoléon ; envisagé, en avril 1811, pour être placé dans la salle des gardes du palais des Tuileries (projet abandonné) ; rentré à l'atelier de David, chapelle de l’ancien collège de Cluny, Paris, au printemps 1811 (où le tableau est visible par les visiteurs de l'atelier) ; déplacé et mis en réserve dans les magasins du Musée royal des arts (Louvre), fin 1819 ; inscrit sur l’inventaire des peintures des Musées royaux sous le n° « MR 1437 » (estimé 80 000 francs), entre 1816 et 1824 ; déplacé vers 1836 au château de Versailles et installé dans la salle du Sacre, au sein des galeries historiques inaugurées le 10 juin 1837 ; réinventorié « INV. 3699 » par le conservateur Frédéric Villot, entre 1852 et 1860 ; mis en sécurité au musée du Louvre à Paris pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871 (déplacé de Versailles au Louvre le 14 septembre 1870 et rentré à Versailles en décembre 1871) ; déplacé de Versailles à Paris en 1889 et prêté à l’Exposition centennale de l’art français, au sein de l'Exposition universelle ouverte du 5 mai au 31 octobre 1889 ; présenté au musée du Louvre, dans la salle des Sept-Cheminées, à partir d'août 1890 jusqu'en septembre 1939 ; mis en sécurité pendant la Seconde guerre mondiale au château de Chèreperrine (Origny-le-Roux, Orne), puis au château de Sourches (Saint-Symphorien, Sarthe) puis au château de Montal (Saint-Jean-Lespinasse, Lot) ; rentré de Montal au musée du Louvre le 7 février 1946 ; présenté en salle Daru d’octobre 1949 à 1969, puis en salle Mollien de 1969 à 1994, puis en salle Daru depuis 1994.
Commentaire :
La scène se situe le 2 décembre 1804, en début d'après-midi, dans le choeur de la cathédrale Notre-Dame de Paris. La cérémonie parachève la loi du 18 mai 1804, jour où le Sénat conservateur a proclamé que le gouvernement de la République était confié à un empereur, et que Napoléon Bonaparte était désigné à cette fonction. Ce mode de désignation est inspiré de l'exemple romain antique (Jules César et Octave Auguste avaient reçu du Sénat de la république romaine le droit de porter le titre d'imperator en permanence). Il donnait une légitimité constitutionnelle que Napoléon a voulu compléter par une légitimité historique et religieuse, en y ajoutant deux traditions, celle du couronnement des empereurs carolingiens et celle du sacre des rois de France. La cérémonie ordonnée par Napoléon à Notre-Dame le 2 décembre, avec le concours du pape Pie VII, avait pour but d'impressionner le peuple français, autant que le reste de l'Europe : en réactivant l'héritage de rituels monarchiques, il marque l'entrée dans une nouvelle ère historique, qui renoue avec un passé rassurant et prestigieux, tout en installant une quatrième dynastie française, celle des Bonaparte (après les Mérovingiens, les Carolingiens et les Capétiens). Original par son caractère hybride, le rituel de la cérémonie conciliait l'idéal religieux du sacre (le corps du monarque est investi de pouvoirs surnaturels par l'apposition d'une huile consacrée par un évêque catholique) avec le geste politique moderne de l'auto-couronnement (l'empereur ne reçoit la couronne de personne d'autre que de lui-même pour rappeler qu'il a conquis le pouvoir suprême par son action personnelle). L'image qui doit passer à la postérité, à travers la commande de tableau faite à David, ne retient donc pas le moment du sacre, mais celui du couronnement : d'une part parce que Napoléon et ses contemporains ne croient plus aux vertus magiques du sacre (qui se traduisait par exemple par le pouvoir thaumaturge des rois de France) et d'autre part parce que le couronnement est un geste plus spectaculaire, universellement compréhensible, et dont Napoléon est le seul acteur, reléguant le pape au rang de témoin.
Appelé familièrement "Le sacre de Napoléon", le tableau représente en réalité le couronnement qui suit le rituel du sacre ou onction (c'est-à-dire l'apposition d'huile consacrée par le pape sur trois zones du corps : le front et les mains du couple impérial). Après la triple onction, les ornements impériaux (épée, manteaux, anneaux, globe) ont été apportés, consacrés par une bénédiction du pape et distribués aux grands dignitaires qui auront la charge de les présenter à l'empereur. Ensuite, Napoléon s'est approché de l'autel, il s'est coiffé de la couronne de laurier d'or, a pris sa couronne qu'il a immobilisée quelques secondes au-dessus de sa tête avant de la remettre aux mains d'un officier. Puis il a reproduit le même geste avec la couronne de l'impératrice, avant de la placer sur la tête de son épouse, agenouillée devant lui : c'est cet instant précis qui est immortalisé par le pinceau de David. La première intention du peintre était de représenter l'instant précédent, quand l'empereur tenait encore, de la main droite, la couronne de l'impératrice au-dessus de sa propre tête, tout en saisissant la dague de son épée de la main gauche. Étudiée par plusieurs dessins préparatoires, cette posture d'auto-couronnement a bien été peinte par David sur la toile, avant d'être entièrement effacée et remplacée par la figure visible aujourd'hui. La correction, effectuée au mois d'août 1806, a pour effet de redresser l'empereur (désormais droit et non plus cambré en arrière), de lui donner une attitude calme, plus adaptée à la solennité et à la dignité de l'instant, et de mettre davantage en valeur son épouse : l'offrande de la couronne crée un lien dynamique et émouvant entre ces deux protagonistes, situés au coeur du tableau. Le couronnement de Joséphine ne signifie pas l'octroi de pouvoirs particuliers, ni même la possibilité pour elle d'exercer la régence. Il s'agit d'une métaphore politique qui récompense en Joséphine la réunion apaisée de toutes les composantes de l'histoire complexe de la France : originaire des Antilles et adoptée par les Parisiens, veuve d'un noble de l'Ancien régime remariée à un général républicain, victime de la Terreur révolutionnaire et mère courageuse de deux enfants adoptés par le nouvel empereur.
À quelques détails près, le décor et les costumes de la cérémonie sont fidèlement reproduits. À cette époque, l'architecture gothique en pierre du choeur de la cathédrale était dissimulée derrière un décor d'arcades en plein cintre en marbre blanc et rose, construit au début du XVIIIe siècle d'après les dessins de Robert de Cotte, architecte du roi Louis XIV. À l'extrémité droite de la scène, on voit l'autel principal surmonté du groupe sculpté en marbre représentant la Vierge de Pitié (dit aussi Pietà), oeuvre du sculpteur Nicolas Coustou (achevée en 1723, toujours en place aujourd'hui). À ce décor permanent s'ajoutent les décorations éphémères conçues spécialement pour la cérémonie par Charles Percier et Pierre Fontaine, architectes de l'empereur : des tapis couvraient entièrement le sol (David en a simplifié les motifs par rapport aux tapis réellement installés pour la cérémonie), des tribunes pour les invités étaient aménagées sous les arcades (les parapets étaient couverts des tentures brodées, en revanche les grands rideaux verts sont une invention de David), le trône pontifical, posé sur une estrade de neuf marches et sous un dais rouge à franges d'or en forme de dôme, était installé du côté nord du choeur (cette installation est visible à mi-hauteur à gauche dans le tableau, David a seulement simplifié l'aspect du dôme en supprimant la couronne de plumes blanches), enfin au milieu du choeur étaient disposés les deux petits trônes réservés au couple impérial, accompagnés de leurs tabourets de pied et de leurs prie-dieux (visibles en bas à gauche du tableau), et protégés par un dais carré suspendu, en tissu vert à frange d'or (visible tout en haut à gauche du tableau).
Détenteur du titre de Premier peintre de l'empereur, David a été chargé par Napoléon Ier, dès le mois de septembre 1804, d'immortaliser quatre moments représentatifs des fêtes du 2 au 5 décembre 1804 : le Couronnement, l'Intronisation, l'Arrivée du couple impérial à l'hôtel de ville de Paris, et la Distribution des aigles sur le Champ-de-mars. Les deux premiers sujets relèvent de la cérémonie religieuse du 2 décembre ; David a participé aux préparatifs et y a assisté en personne, exécutant quelques dessins sur le vif. Dans le tableau du Couronnement, il s'est lui-même représenté dans une tribune, en train de dessiner, entouré de sa famille (son épouse et ses deux filles jumelles), de son assistant Rouget et de ses amis artistes et académiciens. Le peintre a regroupé les autres personnes présentes en fonction de leur rang hiérarchique et fonctionnel : le clergé autour du pape et de l'autel, les ambassadeurs étrangers au fond à droite, les grands officiers de la Maison de l'empereur au premier plan à droite ainsi qu'au centre au second plan, les membres de la famille impériale à gauche au premier plan, les officiers de leurs maisons à gauche au second plan, les artistes et les intellectuels à l'arrière-plan central, en hauteur. L'éclairage, venant des fenêtres hautes de la cathédrale, est concentré au centre du tableau : il permet de mettre en valeur le couple impérial et le pape. L'ensemble constitue à la fois une grande peinture d'histoire moderne et un portrait collectif de la famille et de la cour de Napoléon Ier.
Les principales entorses à la vérité historique de la cérémonie du 2 décembre 1804, sont de deux ordres. D'abord, des modifications répondant à des besoins de propagande politique ont été faites à la demande de l'empereur : quatre personnalités figurent dans le tableau, qui étaient en réalité absentes (Laetitia Bonaparte, mère de l'empereur, le cardinal-légat Caprara, l'ambassadeur du Sultan ottoman et l'ambassadeur de l'empereur romain germanique) ; à l'inverse on note l'invisibilité de quelques personnalités pourtant présentes au coeur de la cérémonie, tel Joseph Fouché, ministre de la Police. Ensuite, pour des raisons esthétiques, David a modifié la disposition générale des personnages ; car, pour mettre en valeur le couple impérial, vu depuis le côté sud du choeur, le peintre devait dégager tout l'avant-plan et masser les autres personnages sur les côtés et à l'arrière-plan, alors qu'ils étaient en réalité répartis dans l'ensemble du choeur, disposés en cercle autour de Napoléon. Enfin, une anomalie historique est à relever : immédiatement à droite de la figure de l'empereur, au second plan, le visage du prêtre au teint gris qui lève les yeux vers Napoléon est inspiré d'un buste réputé représenter Jules César. Ce détail a été ajouté par David pour combler le petit espace libéré par le redressement de la posture de l'empereur. Jules César (100 av. J.-C. - 44 avant J.C), consul et généralissime de la République romaine, fut l'auteur de multiples conquêtes de territoires et proclamé dictateur à vie avant de mourir assassiné, victime d'un complot qui le soupçonnait de vouloir rétablir la monarchie à son profit. Sa discrète présence imaginaire à la cérémonie du 2 décembre 1804 établit une comparaison flatteuse avec la carrière militaire et politique de Napoléon Bonaparte, mais sonne aussi comme un sinistre présage sur les conséquences de l'évolution autocratique et monarchique du Premier consul de la République française.
Aussi vaste que devait l'être le "Serment du jeu de Paume" (1791, resté inachevé et conservé à l'état de fragment au château de Versailles), cette toile est la première de cette taille que David parvient à achever. L'exécution picturale a duré deux années entières (de décembre 1805 à novembre 1807), précédées d'une année de préparation : de décembre 1804 à décembre 1805, David a d'abord eu besoin de concevoir la composition d'ensemble (au moyen de plusieurs esquisses dessinées et peintes), de réfléchir à la disposition et à l'angle de vue de chaque personnage (au moyen d'une maquette en trois dimensions et de petites poupées habillées) et de faire aménager un atelier suffisamment haut et grand pour accueillir la vaste toile et y travailler en disposant du recul nécessaire. Cet atelier, prêté à l'artiste et aménagé aux frais de l'administration impériale, se situe dans une ancienne chapelle gothique désaffectée, place de la Sorbonne à Paris. Pour l'exécution du tableau peint, David a eu recours à deux assistants collaborateurs : le décorateur de théâtre Ignace Degotti (pour l'architecture et la perspective) et le peintre d'histoire et de portraits Georges Rouget (principalement pour les costumes et les accessoires). La scène est peuplée d'environ 190 personnages au total, dont 93 sont des portraits identifiés (59 hommes, 33 femmes et un enfant). Excepté le pape, l'empereur et l'impératrice, la plupart de ces personnes identifiables sont venues poser pour David dans son atelier, et lui ont prêté les costumes et les accessoires qu'elles portaient le jour de la cérémonie. Les autres figures sont des types anonymes, pour lesquels David a fait poser ses élèves ou des personnes de son entourage.
Le tableau presque achevé est montré à l'impératrice Joséphine le 18 novembre 1807, en visite dans l'atelier de David ; elle y retourne le 4 janvier 1808 en compagnie de l'empereur Napoléon Ier et d'officiers de la cour. L'empereur félicite l'artiste et demande seulement une modification : David doit relever le bras droit du pape pour lui faire faire le geste de bénédiction. Le tableau est exposé, seul, au Musée Napoléon (Louvre) le mois suivant, sans attendre l'exposition biennale du Salon qui commence en octobre 1808 (et où le tableau figurera). Le succès public et critique est unanime, même s'il faut garder à l'esprit que le régime impérial exerce une censure sévère sur la presse et l'expression des opinions. Malgré ce succès, David, qui demande à être payé 100 000 francs pour cette oeuvre, n'en obtient finalement que 65 000 francs, au terme d'une longue négociation entre l'artiste et le comte Daru, intendant général de la Maison de l'empereur, qui se termine en février 1810. Envisagé un temps pour décorer la salle des gardes du palais des Tuileries, le tableau ne trouve finalement pas de destination immédiate ; le divorce de l'empereur avec Joséphine, en décembre 1809, ôte au tableau son caractère actuel et empêche probablement de l'installer dans une résidence impériale, aux yeux de la nouvelle impératrice Marie-Louise. Sous le Premier Empire, le tableau est exposé au total pendant six mois et demi au grand public, au musée Napoléon ; le reste du temps il est confié à la garde de David, dans son atelier place de la Sorbonne, accessible aux amateurs d'art qui en font la demande. Le peintre profite de la disponibilité du tableau pour contrôler sa reproduction en gravure et commencer en 1808 l'exécution d'une copie peinte grandeur nature commandée par un groupe d'entrepreneurs des États-Unis d'Amérique. Le tableau reste dans son atelier après le départ en exil de David pour Bruxelles, en janvier 1816. L'administration des Musées (devenus royaux) procède à sa récupération à la fin de l'année 1819 mais ne l'expose pas au public, pour des raisons politiques. Le roi Louis-Philippe, monté sur le trône en juillet 1830, désireux de mettre en valeur l'héritage napoléonien dans les galeries historiques créées au château de Versailles, lui affecte un emplacement au premier étage du château, dans une salle illustrant l'histoire du Consulat et des débuts du Premier Empire (dite "salle du Sacre"). Trente ans après sa création, le "Couronnement" trouve pour la première fois une destination durable dans un lieu public. Le tableau y reste une cinquantaine d'années (de 1837 à 1889), avant d'être transféré au musée du Louvre où, excepté pendant les deux guerres mondiales, il est exposé en permanence depuis août 1890.
(Côme Fabre, avril 2025)
Collector / Previous owner / Commissioner / Archaeologist / Dedicatee
Napoléon 1er, Commanditaire
Acquisition details
entrée - Collection de Napoléon Ier
Acquisition date
date de décision : 07/1804 (commande)
date de l'inscription sur l'inventaire : 1824
date d'arrivée au Musée : 08/1890
date de l'inscription sur l'inventaire : 1824
date d'arrivée au Musée : 08/1890
Owned by
Etat
Held by
Musée du Louvre, Département des Peintures
Location of object
Current location
Denon, [Peint] Salle 702 - Salle Daru, néoclassicisme
Index
Mode d'acquisition
- La Rochefoucauld, Sabine de, Louvre haute couture : la mode dans les collections de peintures du Louvre, Montreuil, Gourcuff Gradenigo, 2023, p. 108, 132, ill. coul. p. 109-111
- Stein, Perrin (dir.), Stein, Perrin ; Bordes, Philippe ; Korchane, Mehdi ; Peronnet, Benjamin ; Prat, Louis-Antoine ; Trey, Juliette ; Berman, Daniella, Jacques Louis David : radical draftsman, New York / New Haven / Londres, The Metropolitan Museum of Art, Yale University Press, 2022, p. 48, 54, 216, 223-227, ill. coul., fig. 126, p.224
- Milovanovic, Nicolas, Le Louvre 1h30 Chrono. Le guide de la visite, Paris, Hazan / Louvre éditions, 2018, p. 28-29, ill. coul.
- Martinez, Jean-Luc (dir.), Théâtre du pouvoir, cat. exp. (Paris, Musée du Louvre, Petite Galerie, du 24 septembre 2017 au 7 juillet 2018 ; Pau, musée national du château, du 14 septembre 2018 à avril 2019), Paris, Louvre éditions ; Seuil, 2017, p. 80-81, ill. coul, dble p.p. 80-81, n°36
- De David à Courbet. Chefs d'oeuvre du musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon, cat. exp. (Rennes, musée des Beaux-Arts, du 4 juin au 28 août 2016; Dole, musée des Beaux-Arts, du 14 octobre 2016 au 19 février 2017; Clermont-Ferrand, musée d'art Roger-Quilliot, du 16 mars au 3 septembre 2017), Gand, Snoeck, 2016, p. 52, ill. coul, p. 52, fig. 1
- Bajou-Carpentreau, Valérie (dir.), Les guerres de Napoléon : Louis-François Lejeune, général et peintre, cat. exp. (Versailles, musée du château, du 14 février au 13 mai 2012), Paris, Hazan, 2011, p. 20; 106
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- Bordes, Philippe (dir.), Jacques-Louis David : Empire to Exile, cat. exp. (Los Angeles (Etats-Unis), J. Paul Getty Museum, 1er février - 24 avril 2005 ; Williamstown, Mass., Sterling and Francine Clark art institute, 5 juin - 5 septembre 2005), New Haven, Yale University Press, 2005, p. 45-57, 92-99, ill. coul.
- Laveissière, Sylvain (dir.), Le Sacre de Napoléon peint par David, cat. exp. (Paris, Musée du Louvre 21 octobre 2004 - 17 janvier 2005), Paris / Milan, 5 Continents / Louvre éditions, 2004
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- Brière, Gaston, Musée national du Louvre. Catalogue des peintures exposées dans les galeries. I.Ecole française, Paris, Musées nationaux, 1924, n°202 a
Last updated on 08.07.2025
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