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La Vierge allaitant l'Enfant, dit La Vierge au coussin vert
1507 / 1510 (1e quart du XVIe siècle)
INV 673 ; MR 484
Département des Peintures
Actuellement visible au Louvre
Salle 710
Aile Denon, Niveau 1
Numéro d’inventaire
Numéro principal : INV 673
Autre numéro d'inventaire : MR 484
Autre numéro d'inventaire : MR 484
Collection
Artiste / Auteur / Ecole / Centre artistique
description
Dénomination / Titre
Titre : La Vierge allaitant l'Enfant, dit La Vierge au coussin vert
Titre d'usage : La Vierge au coussin vert
Titre d'usage : La Vierge au coussin vert
Description / Décor
Inscriptions
Nature de marque :
cachet de cire (au revers)
Signature :
Andreas de solario fa. (en bas à droite sur le parapet)
cachet de cire (au revers)
Signature :
Andreas de solario fa. (en bas à droite sur le parapet)
Caractéristiques matérielles
Dimensions
Hauteur : 0,595 m ; Hauteur avec accessoire : 0,844 m ; Largeur : 0,475 m ; Largeur avec accessoire : 0,752 m
Matière et technique
huile sur bois (peuplier)
Lieux et dates
Date de création / fabrication
1e quart du XVIe siècle (?) (vers 1507 - 1510)
Données historiques
Historique de l'œuvre
historique :
Blois, couvent des Cordeliers ; Marie de Médicis, vers 1617 (cité par Félibien, 1688) ; cardinal Mazarin (1602-1661), Paris (inventaire de 1653, n° 92 ; inventaire de 1661, n° 937 ; Michel [1999], p. 128) ; son neveu, A.-C. de la Porte de La Meilleraye, duc de Mazarin, Paris (cité en 1682) ; V.-A. de Carignan, Paris ; acquis par Louis XV par l’intermédiaire de N. Araignon, 1742.
Commentaire :
Une provenance illustre
La première information connue sur la Vierge au coussin vert date de 1682, dans l’Histoire de Blois de Jean Bernier (Jean Bernier dans son Histoire de Blois contenant les antiquitez & singularitez du Comté de Blois, Paris, p.58-59, 569-570). L’auteur rapporte que la reine Marie de Médicis, en exil à Blois entre 1617 et 1619, y acquit le tableau auprès du couvent des Cordeliers, en échange d’une copie peinte par Jean Monier et d’une somme d’argent destinée à des travaux dans l’église du monastère. En 1688, l’historiographe Félibien précise que Jean Monier, né en 1600, copia l’original à l’âge de 16 à 17 ans, ce qui situerait l’acquisition royale en 1617 (André Félibien, Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, volume V, Paris, 1688, p.263). La provenance plus ancienne de l’œuvre demeure inconnue et plusieurs hypothèses ont été imaginées : soit une commande directe de l’ordre franciscain à Solario, documenté au château de Gaillon en Normandie entre 1507 et 1509, soit un don au couvent par le cardinal George d’Amboise, mécène de Solario en France, ou de son neveu Charles d’Amboise, gouverneur du duché de Milan en ces années, voire du roi Louis XII.
En 1682, Bernier indique que la Vierge de Solario appartient alors au duc de Mazarin. Ce dernier l’avait héritée de son oncle par alliance, le cardinal Mazarin. La Madone figure en effet dans les deux inventaires de la collection du prélat, rédigés en 1653 et 1661. Au revers du panneau figure d’ailleurs un « n° 92 », correspondant à l’inventaire de 1653. Il est possible que le cardinal l’ait achetée après la mort de Marie de Médicis en 1642 car plusieurs biens de la souveraine se retrouvèrent dans sa collection. On a parfois supposé que le tableau était passé chez le cardinal Richelieu, après la reine et avant Mazarin (Lizzie Boubli, « Les collections parisiennes de peintures de Richelieu », Richelieu et le monde de l’esprit, catalogue d’exposition, Paris, chapelle de la Sorbonne, Paris, 1985, p.110). Richelieu possédait en effet une Vierge à l’Enfant de Solario, mais ses dimensions étaient plus réduites, ce qui compromet l’hypothèse (Antoine Schnapper, Curieux du Grand Siècle. Collections et collectionneurs dans la France du XVIIe siècle, II, Œuvres d’art, Paris, 1994, p.131-132, 198). Selon une inscription au dos du tableau, (« Tablou dandrea Solario achté de Mr Le duc de Masarin par moie Prense de Carignan. ADS »), le duc de Mazarin qui en avait hérité vendit la Vierge au coussin vert à Victor-Amédée de Savoie, prince de Carignan, qui réunit dans son hôtel de Soissons à Paris une importante collection de peintures. Plusieurs de ses chefs-d’œuvre, dont la Vierge au coussin vert, furent vendus au roi Louis XV en 1740, par l’intermédiaire de Noël Araignon (Fernand Engerand, Inventaire des tableaux commandés et achetés par la Direction des Batiments du Roi (1709-1792), Paris, 1900, II, p.534). Le tableau fut accroché peu après dans l’hôtel de la Surintendance à Versailles où était présenté un choix des plus belles peintures de la Couronne. Il figure ainsi dans les inventaires rédigés en 1760 par Etienne Jeaurat (Etienne Jeaurat, Inventaire des tableaux du Cabinet du Roy, placés à la Surintendance des Bastimens de Sa Majesté à Versailles fait en l’année 1760, Archives nationales, O1 1965, f.19) puis en 1784 par Louis Durameau (Louis Durameau, Inventaire des tableaux du Cabinet du Roi, placés à la Surintendance des Bâtiments de sa Majesté à Versailles fait l’année 1784, Bibliothèque de l’INHA, BCMN MS 32, p.25). L’œuvre demeura à Versailles au début de la Révolution, rejoignant le musée du Louvre le 5 août 1797, au même moment que la Joconde et les plus importantes peintures de l’ancienne collection royale (Yveline Cantarel-Besson, Musée du Louvre (Janvier 1797 – Juin 1798) : procès-verbaux du Conseil d’administration du « Musée Central des Arts », Paris, 1992, p.110, 113, 124).
La Madone allaitant
Le thème de la Vierge allaitant l’Enfant Jésus est l’un des plus anciens et vénérés de l’iconographie chrétienne. En Italie, cette image s’est développée à partir de la seconde moitié du XIVe siècle. Andrea Solario a pu en voir différents exemples en Lombardie comme en Vénétie où il vécut durant sa jeunesse. A Milan, dans le sillage de Léonard de Vinci, plusieurs artistes cherchent à trouver une interaction vivante et naturelle entre la mère et l’enfant, avec une expression tendre. La Madone Litta de l’Ermitage en est le modèle, une composition probablement conçue par Léonard de Vinci mais peinte par l’un de ses élèves, possiblement Marco d’Oggiono, au début des années 1490 (Attribué à Marco d’Oggiono, Vierge allaitant l’Enfant, dite Madonna Litta, vers 1490-92, bois transposé sur toile, 42 x 33 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage ). La Vierge y est présentée presque de profil et l’enfant gesticule dans une torsion contradictoire entre les membres inférieurs et supérieurs. Francesco Napoletano et, un peu plus tard, Marco d’Oggiono, deux collaborateurs de Léonard, en imaginent des variations (Francesco Napoletano, Vierge allaitant l’Enfant, vers 1492-95, bois, 37,5 x 29 cm, Zurich, Kunsthaus, inv. 936 ; Marco d’Oggiono, Vierge allaitant l’Enfant, vers 1500-1505, bois, 46 x 37 cm, Paris, musée du Louvre, R.F. 878).
Andrea Solario a traité le sujet de la Vierge allaitant deux autres fois dans sa carrière, vers 1500 dans un tableau conservé au Museum of Art de Columbia et dans les années 1510, avec une composition proche de la Vierge au coussin vert et connue en plusieurs versions (Andrea Solario, Vierge allaitant l’Enfant, bois transposé sur toile, 48 x 35.5 cm, Columbia Museum of Art,
K 1374 ; Andrea Solario, Vierge allaitant l’Enfant, bois, 27,2 x 27,9 cm, Milan, Museo Poldi Pezzoli, n. inv. 1612 ; Andrea Solario, Vierge allaitant l’Enfant, bois, 44 x 33 cm, collection particulière (publiée par David Alan Brown « Solario Revisited », Artibus et historiae, 80, 2019, p.108-111) ; Andrea Solario, Vierge allaitant l’Enfant, bois, 37,5 x 32,4 cm, vente Sotheby’s New York 19.05.1994, n° 4). Dans ces œuvres, l’artiste a placé les protagonistes dans un intérieur avec une fenêtre ouverte sur un paysage. Pour la Vierge au coussin vert, il choisit une mise en scène paradoxale qui associe un parapet en marbre au premier plan, propre à une scène d’intérieur, à un fond de paysage qui implique un extérieur. On pourrait trouver une cohérence à cette composition en supposant que la Vierge s’est arrêtée devant une fenêtre ouverte ou devant un bloc de marbre, peut-être le reste (trop bien préservé il est vrai) d’une ruine antique. L’image pourrait ainsi évoquer l’épisode du repos de la Sainte Famille pendant la fuite en Egypte. De fait, l’homme marchant devant un cavalier, au fond à gauche, rappelle Joseph guidant la Vierge et l’Enfant.
Mais il ne faut sans doute pas chercher trop de logique narrative à cette composition qui relève d’une typologie devenue conventionnelle au début du XVIe siècle, la Vierge au parapet. Cette image de Marie et Jésus présentés derrière un parapet de pierre s’est développée à partir des années 1440 en Toscane (Filippo Lippi, Pesellino, Domenico Veneziano, Alessio Baldovinetti), dans le Nord de l’Italie (Squarcione, Zoppo, Antonio Vivarini, Mantegna, Giovanni Bellini, Foppa, Bergognone, Zenale) et aussi dans les Flandres (van der Weyden, Dirk Bouts, Memling). Dans certaines de ces Madones, le parapet constitue la base d’un encadrement en trompe l’œil, comme une fenêtre à travers laquelle on découvre le récit. Il peut être aussi en lien avec la moulure du cadre de la peinture. Isolé, le parapet est un souvenir de la fenêtre illusionniste, et donne de la profondeur au champ pictural. Il sert bien sûr à la narration, comme support de l’Enfant, debout ou plus souvent assis sur un coussin. Il peut être de matériau divers, pierre, marbre blanc ou de couleur. Solario choisit le rouge qui évoque certaines reliques de la Passion, notamment la pierre d’onction qui reçut le corps du Christ après sa crucifixion.
L’oreiller fait référence au sommeil, autre allusion à la mort future de Jésus. Ses proportions imposantes, qui ont valu au tableau son appellation, rappelle d’ailleurs les gros coussins supportant la dépouille du Christ dans certaines déplorations. Ce type de riche et épais oreiller se retrouve également dans les représentations de la Vierge d’humilité où, posé au sol, il sert d’assise à Marie. L’évocation de cette iconographie est d’ailleurs encouragée par la mise en scène en extérieur, avec la Vierge disposée devant un massif d’au moins six arbres (peut-être des chênes) dont la frondaison clôt en partie l’espace, souvenir de l’hortus conclusus des Madones d’humilité. Ce bois constitue une sorte de dais naturel pour la Vierge et forme aussi un buisson. La tradition chrétienne avait fait un parallèle entre le buisson ardent de Moïse qui avait brûlé sans se consumer et la virginité de la Vierge, comme le rappelle une antienne (« Le Verbe Éternel est descendu en vous, comme le feu dans le Buisson ardent ») ou un psaume de saint Bonaventure (« En ce buisson que vit Moïse et qui brûlait sans se consumer, nous voyons l’image de votre glorieuse virginité »). Cet agencement de la tête sur un fond végétal, que l’on connait dans le genre du portrait (Pisanello, Léonard de Vinci, Lorenzo di Credi ou Giorgione), se retrouve dans plusieurs Madones lombardes de la même époque (Giovanni Agostino da Lodi, Bernardino Luini, Cesare da Sesto, Cesare Magni (Giovanni Agostino da Lodi, Vierge à l’Enfant avec deux donateurs, vers 1500-05, bois, 58 x 78 cm, Naples, Museo di Capodimonte, inv. Q 95 ; Bernardino Luini, Vierge à l’Enfant, vers 1520, bois, 70 x 63 cm, Milan, Pinacothèque de Brera, inv. 331 ; Cesare da Sesto, Vierge à l’Enfant, vers 1512-15, bois, 46 x 36 cm, Milan, Pinacothèque de Brera, inv. 326 ; Attribué à Cesare Magni, Vierge à l’Enfant avec saint Jean Baptiste, bois, 71 x 63,5 cm, collection particulière (voir From Rembrandt to Parmigianino. Old Masters from Private Collections, catalogue d’exposition, Milwaukee Art Museum, 2016)).
Par rapport à ses deux autres compositions de la Madone allaitant Jésus, Solario insiste dans le tableau du Louvre sur le mouvement de la mère vers l’enfant. Cette position de la Vierge tendrement penchée sur son fils rappelle des inventions antérieures, notamment gravées de Mantegna (vers 1490) ou de Dürer (1503). Mais elle évoque aussi la Sainte Anne de Léonard de Vinci pour la position du visage de trois quarts en difficile raccourci. Solario a pu connaître la composition léonardienne à partir du retour de Léonard à Milan en 1506.
La figure de l’Enfant Jésus, gesticulant et attrapant son pied de la main droite, a toujours charmé les admirateurs pour son naturel. Cette pose spontanée et familière insiste sur l’idée d’incarnation de Dieu en humble nourrisson, et invite à une méditation sur la future crucifixion du Christ par l’accent mis sur le pied qui sera cloué, tout comme la main droite de la Vierge qui caresse le côté de l’Enfant qui sera tranché. Solario n’est pas l’inventeur de cette pose de l’Enfant dont on connait plusieurs exemples dès la seconde moitié du Trecento, souvent dans des images de la Vierge allaitant Jésus (Barnaba da Modena, Vierge à l’Enfant, 1367, bois, 117,8 x 86,2 cm, Francfort, Städel Museum, inv.807 ; Barnaba da Moedena, Vierge allaitant l’Enfant Jésus, vers 1370-75, bois, 109 x 72 cm, Paris, musée du Louvre, R.F. 1964.4 ; Paolo di Giovanni Fei, Vierge allaitant l’Enfant, 1370-80, bois, 87 x 59 cm, New York, Metropolitan Museum of Art, inv. 41.190.13 ; Taddeo di Bartolo, Triptyque, vers 1400-1405, Sienne, Santa Caterina della Notte). L’iconographie se développe aussi dans les Flandres au XVe siècle (Rogier van der Weyden, Vierge à l’Enfant, vers 1455-60, bois, 32,1 × 22,9 cm, Houston, Museum of Fine Arts, inv.44.535 ; Atelier de Dirk Bouts (d’après une composition originale perdue), Vierge à l’Enfant, bois, 29,2 x 21 cm, New York, Metropolitan Museum of Art, inv.1982.60.16 ; Suiveur de Memling, Vierge à l’Enfant, bois, 27,3 x 21 cm, New York, Metropolitan Museum of Art, inv.49.7.22.). Une estampe de l’Allemand Israhel van Meckenem, datable vers 1475-85, représente l’Enfant dans une position très proche de celle de Solario, sans que l’on puisse assurer que ce fut sa source d’inspiration.
Genèse du tableau
Deux dessins conservés à la Bibliothèque Ambrosienne à Milan ont été mis en relation avec la conception du tableau du Louvre. Ils représentent la tête de Vierge souriante, dans une position très proche mais un peu plus de profil et avec une coiffure différente. L’un est tracé à la pointe métallique, à la pierre noire et au lavis sur un curieux support constitué de trois morceaux de papier. La seconde feuille, à la pierre noire, reproduit de façon appliquée la première, et est justement considérée comme une copie (Andrea Solario, Tête de femme, pointe métallique, pierre noire, lavis, 200 x 167 mm, Milan, Biblioteca Ambrosiana, Cod. F262 inf.17 ; D’après Andrea Solario, Tête de femme, pierre noire, 192 x 180 mm, Milan, Biblioteca Ambrosiana, Cod. F263 inf.74).
La Vierge au coussin vert est peinte sur une seule planche de bois de peuplier. L’analyse des bords de la peinture démontre que la composition n’a pas été coupée dans les parties supérieure et inférieure où l’on observe des bords non peints et une barbe. En revanche, les côtés droit et gauche ont été sciés car ils ne présentent ni bords non peints ni barbe clairement visible. On discerne toutefois quelques amas qui semblent assimilables à des restes de barbe, ce qui indiquent que le tableau fut à peine coupé sur ses côtés. L’observation de la matière picturale a permis de constater qu’une toile fine a été noyée dans la couche de préparation, afin de renforcer le panneau, comme dans d’autres œuvres de l’artiste, notamment la Tête de Saint Jean Baptiste du Louvre.
La radiographie et la réflectographie infrarouge du panneau du Louvre révèlent très peu de repentirs, limités à des reprises de contours au niveau des doigts de la main droite de la Vierge, du pied droit de Jésus ou des cheveux de la Vierge qui couvraient moins le côté gauche de son visage. Dans la réflectographie, on voit un premier tracé sec, très fin, discontinu et un peu mécanique, caractéristique d’un report à partir d’un carton. Solario a dû faire un grand dessin préparatoire de sa composition, similaire à celui de la Pinacothèque de Brera représentant une Vierge à l’Enfant et datant des mêmes années que le tableau du Louvre (Andrea Solario, Vierge à l’Enfant avec un ange, pierre noire, charbon de bois, craie blanche, mise au carreau à la pierre noire, 554 x 420 mm, Milan, Pinacoteca di Brera, Gabinetto dei Disegni, Reg. Cron. 969). Les contours de ce dessin sont piqués pour le transfert selon la technique du spolvero. On ne retrouve pas clairement ce type de points de spolvero dans la réflectographie infrarouge mais on sait qu’ils peuvent avoir été effacés quand l’artiste a formé les lignes pour les rejoindre. Ce premier tracé est parfois repassé, à main libre, par une pointe sèche plus marquée. L’artiste a ensuite posée certaines ombres au lavis avec un pinceau, visibles en réflectographie. Il les a reprises avec un lavis sépia non discernable dans l’imagerie mais observée pendant la récente restauration dans une lacune au niveau du voile blanc de la Vierge (Voir le rapport de restauration de Cinzia Pasquali, conservé dans le dossier d’œuvre à la Documentation du Département des Peintures ).
Solario modèle une matière souvent lisse et fondue, pour donner un aspect brillant et émaillé, avec un dessin toujours net et précis. La touche est parfois plus libre pour créer des formes en relief, ainsi des lumières sur le feuillage ou des petits personnages dans le paysage, rendus avec virtuosité. On remarque aussi de nombreuses empreintes digitales au niveau du ciel pour le structurer. Cette pratique s’avère beaucoup plus courante qu’on a pu le penser par le passé et se retrouve chez Léonard de Vinci mais aussi d’autres peintres lombards et vénitiens. Sur le modèle de Léonard, Solario superpose des glacis pour créer des transitions douces entre ombre et lumière. Sa peinture conserve cependant une forme pleine et sculpturale, qui doit autant à sa formation en Vénétie (Giovanni Bellini, Cima da Conegliano) et en Lombardie (Bramante, Léonard de Vinci) qu’à sa familiarité avec la sculpture pratiquée par son frère Cristoforo.
La palette de l’artiste est classique et précieuse, notamment la laque rouge pour la robe de Marie, du résinate de cuivre pour le coussin et la végétation, le lapis lazuli pour le manteau de la Vierge, son voile bleuté et le paysage, des terres pour les ombres et les zones foncées.
Un tableau pour la France
La présence du tableau en France au début du XVIIe siècle a persuadé l’essentiel de la critique que Solario l’avait peinte entre 1507 et 1510, durant la période où il travailla pour les Français, soit peu avant son voyage, durant son séjour ou peu après. L’usage du peuplier, plus commun en Italie qu’au nord de la France, a incité plusieurs historiens à supposer une exécution à Milan, avant ou après la France. La signature « Andreas de Solario fa » sans référence à l’origine milanaise de l’artiste que l’on trouve sur d’autres œuvres, telle la Déploration sur le Christ mort du Louvre peinte assurément en France, a convaincu certains que le tableau avait été peint à Milan, selon une logique discutable que le peintre ne préciserait son origine que pour des œuvres peintes ou destinées à l’extérieur de la ville.
Stylistiquement, la Vierge au coussin vert se rapproche d’œuvres de la période française : la Tête de saint Jean Baptiste du Louvre datée de 1507, mais aussi de la Salomé du Metropolitan Museum à New York souvent datée vers 1507-1509 (Andrea Solario, Tête de saint Jean Baptiste, 1507, huile sur bois, 46 x 43 cm, Paris, musée du Louvre, M.I. 735. Andrea Solario, Salomé, vers 1507-1509, huile sur bois, 57.2 x 47 cm, New York, Metropolitan Museum of Art, inv. 32.100.81).
Un chef-d’œuvre du Louvre
La Vierge au coussin vert a souvent été considérée comme le chef-d’œuvre d’Andrea Solario ou du moins son œuvre la plus célèbre. Premier signe de son succès, le nombre remarquable de copies et de gravures. En 1987, David Alan Brown recensait quinze copies peintes auxquelles on peut ajouter vingt-neuf autres exemplaires recensés dans le dossier d’œuvre conservé à la documentation du département des Peintures du Louvre (David Alan Brown, Andrea Solario, Milan, 1987, p.215). Ces copies, le plus souvent anonymes, sont datables du XVIe au XIXe siècles, et au moins une version présente les qualités d’une œuvre d’atelier, avec une intéressante variation, la Vierge et l’Enfant étant placés dans un intérieur avec saint Joseph sciant une planche (D’après Solario, Vierge au coussin vert, bois, 58 x 44 cm, Séville, vente Isbilya, 5-6.04.2016, n°101).
On compte également près d’une quinzaine de gravures dont la plus ancienne, inversée et sur un fond uni, fut éditée par Augustin Quesnel en 1636. Vincenzo Vangelisti en fit une nouvelle version, toujours inversée mais plus soignée, dans les années 1760-1770. La lettre indique que le modèle est un tableau de Raphaël conservé au Palais Royal à Paris, ce qui est intriguant car on ne retrouve pas d’œuvre correspondante dans la collection d’Orléans et que l’original était assurément à Versailles chez le Roi. C’est au XIXe siècle que le nombre de gravures se multiplie. Elles furent réalisées par Joseph Charles de Meulemeester (vers1801-1804), Charles Normand (1802), François Forster (vers 1803-1818), Johann Conrad Ulmer (vers 1804-1815), Narcisse Lecomte, Giuseppe Magonio (vers 1820-1830, d’après une copie appartenant à Rhys D. Powell), Jean-Baptiste Pfitzer (1842), Frédéric Hillemacher (1844, d’après une copie appartenant à Eug. Benech), Eugénie Legrand (1847), Eugène Giraud (1850), Lucien Butavand (1851) et Adrien Didier (1883). Et il faut citer aussi les lithographies de Jean-Jules Jacott, Régnier, Camille Vergnes, Bautz et Théodore Tessari (Henry de Chennevières, « Andrea Solario », Gazette des beaux-arts, XXVIII, 1er juillet 1883, p. 48).
Comme les autres chefs-d’œuvre du musée, la Vierge au coussin vert séduit les jeunes artistes épris de Renaissance italienne. En témoignent les croquis de Fleury Richard, d’Hippolyte Flandrin ou d’Edgar Degas (Fleury Richard, Etude d’après Solario, vers 1800-1802, crayon, 202 x 160 mm, Lyon musée des beaux-arts, inv. 1988-4-IV-215, f.9 verso ; Hippolyte Flandrin, Etude d’après Solario, Paris musée du Louvre, RF 41395 ; Edgar Degas, Etude d’après Solario, vers 1857, collection particulière).
Ce nombre exceptionnel de reproductions témoigne de l’appréciation grandissante du tableau présenté au Louvre dès 1798 (Notice des principaux tableaux recueillis dans la Lombardie par les commissaires français dont l’exposition provisoire aura lieu dans la Grand Salon du Museum, Paris, 1798, p.105-106, n° 129). L’œuvre, toujours exposée, est installée en 1798 dans le Salon carré puis dans la Grande Galerie à partir de 1801. Elle rejoint l’accrochage des chefs-d’œuvre dans le nouvel aménagement du Salon carré conçu par Duban en 1851. Les vues de la salle, peintes par Giuseppe Castiglione en 1861 et Alexandre Brun vers 1880 (Giuseppe Castiglione, Le Salon carré en 1861, 1861, huile sur toile, 69 x 97,5 cm, Paris, musée du Louvre, R.F. 3734. Alexandre Brun, Le Salon carré au Louvre vers 1880, vers 1880, huile sur toile, 23,5 x 35,5 cm, Paris, musée du Louvre, R.F. 1987.29), montrent le tableau au premier rang de l’accrochage, sur le mur nord, en pendant de la Joconde, ou sur le mur ouest, à côté de la Belle Jardinière de Raphaël. La Vierge quitte le Salon vers 1900, au moment où on allège son accrochage abondant, pour revenir dans la Grande Galerie où elle demeure encore aujourd’hui (Catalogue sommaire des peintures exposées dans les galeries du musée national du Louvre, Paris, 1900, 5ème édition, p.131, n°1530).
Ce statut de chef-d’œuvre s’est construit tout au long du XIXe siècle sous la plume des historiens de l’art qui ont loué ses qualités techniques et stylistiques. Hormis le dessin des contours parfois jugé sec, ils relèvent la délicatesse du modelé, l’exécution précieuse ou le coloris brillant donnant un caractère émaillé à la peinture. Et c’est plus encore la beauté des visages, la grâce et la vérité des mouvements qui sont célébrées et en font une image simple et séduisante, à l’apparence profane et au caractère à la fois anecdotique et universel. Dans une nouvelle historique publiée en 1836, Paul de Musset imagine que la Vierge est le portrait de la femme aimée par Andrea Solario décrit comme l’élève de Léonard de Vinci et un génial peintre. Amoureux malheureux de Monna Flora, l’épouse d’un certain chevalier Matigno, qui lui préfère Léonard, Solario sublime sa passion en peignant son effigie (Paul de Musset, « Andrea del Gobbo », Revue de Paris, 17 avril 1836, p. 139-156). Jules Michelet en fait l’archétype de l’amour maternel, du sacrifice de la mère et de l’amour absolu et unique de l’enfant pour sa génitrice (Jules Michelet, La femme, Paris, 1860, p.8-14). A la fin du siècle, François Anatole Gruyer y voit lui aussi une œuvre plus profane que sacré (Anatole Gruyer, Voyage autour du Salon carré au musée du Louvre, Paris, 1891, p. 200). Un siècle avant, Joshua Reynolds avait déjà perçu la part naturaliste de la Vierge au coussin vert et s’inspirait de la figure du Christ pour l’un des enfants du Portrait de Lady Cockburn (1773, Londres, National Gallery).
La restauration de 2024
Les archives des musées nationaux et du Centre de Recherche et de Restauration des musées de France (C2RMF) indiquent au moins trois opérations de restauration en 1813, 1892 et 1940, ainsi qu’une douzaine d’interventions localisées sur des accidents et de légères reprises de vernis entre 1945 et 1985. En 2024, le tableau a fait l’objet de nouveaux examens de laboratoire en vue de sa restauration car il se présentait sous d’épaisses couches de vernis très jaunis et était maculé de retouches anciennes désaccordées posées sur de petites pertes de matière. Les interventions ont été menées au C2RMF et la restauration a été confiée à Cinzia Pasquali.
L’opération a consisté en en un allègement prononcé des vernis, à l’enlèvement des repeints, puis à une retouche illusionniste sur les rares pertes de matière. L’état de conservation s’est avéré globalement très bon, hormis les micro-lacunes et l’usure du bleu du manteau de la Vierge lié à un ancien nettoyage abrasif. L’équilibre coloré de la composition a été ainsi restitué, notamment avec la redécouverte du vert parfaitement conservé du feuillage du bosquet situé derrière la Vierge, en écho au coussin sur lequel repose Jésus et en contraste avec la laque rouge de la robe de Marie et le bleu du manteau. Le paysage a été libéré de plusieurs ajouts de branches et de feuilles qui alourdissaient et assombrissaient la disposition originale. Ces arbres ont repris leur forme compacte, en une sorte de dais naturel. Les carnations ont retrouvé leur blancheur teintée de rose, le voile sa clarté bleutée. Libérée des repeints discordants, la matière a regagné son aspect lisse et fondu, un volume sculptural. On retrouve l’éclat coloré, la clarté du dessin, l’émotion simple et naturelle, le mouvement tendre des figures qui ont séduit des générations d’amateurs.
L’encadrement du tableau
L’inventaire des tableaux du roi rédigé par Durameau en 1784 est illustré de vues des salles de la Surintendance des Bâtiments du Roi à Versailles grâce auxquelles on sait que la Vierge au coussin vert possédait alors un cadre avec une moulure du début du XVIIIe siècle. Elle demeura ainsi encadrée au XIXe siècle, comme en témoignent les vues du Salon carré peintes par Giuseppe Castiglione en 1861 et Alexandre Brun vers 1880. Dans la politique de ré-encadrement des œuvres, initiée dans la première moitié du XXe siècle, on changea cette moulure rocaille pour une nouvelle d’époque Renaissance, parmi les cadres donnés par Jules Strauss au musée dans les années 1930. Il fut finalement changé dans les années 1990 avec le cadre actuel afin d’y installer un système climatique indispensable pour ce panneau fragile.
Vincent Delieuvin, décembre 2024
Blois, couvent des Cordeliers ; Marie de Médicis, vers 1617 (cité par Félibien, 1688) ; cardinal Mazarin (1602-1661), Paris (inventaire de 1653, n° 92 ; inventaire de 1661, n° 937 ; Michel [1999], p. 128) ; son neveu, A.-C. de la Porte de La Meilleraye, duc de Mazarin, Paris (cité en 1682) ; V.-A. de Carignan, Paris ; acquis par Louis XV par l’intermédiaire de N. Araignon, 1742.
Commentaire :
Une provenance illustre
La première information connue sur la Vierge au coussin vert date de 1682, dans l’Histoire de Blois de Jean Bernier (Jean Bernier dans son Histoire de Blois contenant les antiquitez & singularitez du Comté de Blois, Paris, p.58-59, 569-570). L’auteur rapporte que la reine Marie de Médicis, en exil à Blois entre 1617 et 1619, y acquit le tableau auprès du couvent des Cordeliers, en échange d’une copie peinte par Jean Monier et d’une somme d’argent destinée à des travaux dans l’église du monastère. En 1688, l’historiographe Félibien précise que Jean Monier, né en 1600, copia l’original à l’âge de 16 à 17 ans, ce qui situerait l’acquisition royale en 1617 (André Félibien, Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, volume V, Paris, 1688, p.263). La provenance plus ancienne de l’œuvre demeure inconnue et plusieurs hypothèses ont été imaginées : soit une commande directe de l’ordre franciscain à Solario, documenté au château de Gaillon en Normandie entre 1507 et 1509, soit un don au couvent par le cardinal George d’Amboise, mécène de Solario en France, ou de son neveu Charles d’Amboise, gouverneur du duché de Milan en ces années, voire du roi Louis XII.
En 1682, Bernier indique que la Vierge de Solario appartient alors au duc de Mazarin. Ce dernier l’avait héritée de son oncle par alliance, le cardinal Mazarin. La Madone figure en effet dans les deux inventaires de la collection du prélat, rédigés en 1653 et 1661. Au revers du panneau figure d’ailleurs un « n° 92 », correspondant à l’inventaire de 1653. Il est possible que le cardinal l’ait achetée après la mort de Marie de Médicis en 1642 car plusieurs biens de la souveraine se retrouvèrent dans sa collection. On a parfois supposé que le tableau était passé chez le cardinal Richelieu, après la reine et avant Mazarin (Lizzie Boubli, « Les collections parisiennes de peintures de Richelieu », Richelieu et le monde de l’esprit, catalogue d’exposition, Paris, chapelle de la Sorbonne, Paris, 1985, p.110). Richelieu possédait en effet une Vierge à l’Enfant de Solario, mais ses dimensions étaient plus réduites, ce qui compromet l’hypothèse (Antoine Schnapper, Curieux du Grand Siècle. Collections et collectionneurs dans la France du XVIIe siècle, II, Œuvres d’art, Paris, 1994, p.131-132, 198). Selon une inscription au dos du tableau, (« Tablou dandrea Solario achté de Mr Le duc de Masarin par moie Prense de Carignan. ADS »), le duc de Mazarin qui en avait hérité vendit la Vierge au coussin vert à Victor-Amédée de Savoie, prince de Carignan, qui réunit dans son hôtel de Soissons à Paris une importante collection de peintures. Plusieurs de ses chefs-d’œuvre, dont la Vierge au coussin vert, furent vendus au roi Louis XV en 1740, par l’intermédiaire de Noël Araignon (Fernand Engerand, Inventaire des tableaux commandés et achetés par la Direction des Batiments du Roi (1709-1792), Paris, 1900, II, p.534). Le tableau fut accroché peu après dans l’hôtel de la Surintendance à Versailles où était présenté un choix des plus belles peintures de la Couronne. Il figure ainsi dans les inventaires rédigés en 1760 par Etienne Jeaurat (Etienne Jeaurat, Inventaire des tableaux du Cabinet du Roy, placés à la Surintendance des Bastimens de Sa Majesté à Versailles fait en l’année 1760, Archives nationales, O1 1965, f.19) puis en 1784 par Louis Durameau (Louis Durameau, Inventaire des tableaux du Cabinet du Roi, placés à la Surintendance des Bâtiments de sa Majesté à Versailles fait l’année 1784, Bibliothèque de l’INHA, BCMN MS 32, p.25). L’œuvre demeura à Versailles au début de la Révolution, rejoignant le musée du Louvre le 5 août 1797, au même moment que la Joconde et les plus importantes peintures de l’ancienne collection royale (Yveline Cantarel-Besson, Musée du Louvre (Janvier 1797 – Juin 1798) : procès-verbaux du Conseil d’administration du « Musée Central des Arts », Paris, 1992, p.110, 113, 124).
La Madone allaitant
Le thème de la Vierge allaitant l’Enfant Jésus est l’un des plus anciens et vénérés de l’iconographie chrétienne. En Italie, cette image s’est développée à partir de la seconde moitié du XIVe siècle. Andrea Solario a pu en voir différents exemples en Lombardie comme en Vénétie où il vécut durant sa jeunesse. A Milan, dans le sillage de Léonard de Vinci, plusieurs artistes cherchent à trouver une interaction vivante et naturelle entre la mère et l’enfant, avec une expression tendre. La Madone Litta de l’Ermitage en est le modèle, une composition probablement conçue par Léonard de Vinci mais peinte par l’un de ses élèves, possiblement Marco d’Oggiono, au début des années 1490 (Attribué à Marco d’Oggiono, Vierge allaitant l’Enfant, dite Madonna Litta, vers 1490-92, bois transposé sur toile, 42 x 33 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage ). La Vierge y est présentée presque de profil et l’enfant gesticule dans une torsion contradictoire entre les membres inférieurs et supérieurs. Francesco Napoletano et, un peu plus tard, Marco d’Oggiono, deux collaborateurs de Léonard, en imaginent des variations (Francesco Napoletano, Vierge allaitant l’Enfant, vers 1492-95, bois, 37,5 x 29 cm, Zurich, Kunsthaus, inv. 936 ; Marco d’Oggiono, Vierge allaitant l’Enfant, vers 1500-1505, bois, 46 x 37 cm, Paris, musée du Louvre, R.F. 878).
Andrea Solario a traité le sujet de la Vierge allaitant deux autres fois dans sa carrière, vers 1500 dans un tableau conservé au Museum of Art de Columbia et dans les années 1510, avec une composition proche de la Vierge au coussin vert et connue en plusieurs versions (Andrea Solario, Vierge allaitant l’Enfant, bois transposé sur toile, 48 x 35.5 cm, Columbia Museum of Art,
K 1374 ; Andrea Solario, Vierge allaitant l’Enfant, bois, 27,2 x 27,9 cm, Milan, Museo Poldi Pezzoli, n. inv. 1612 ; Andrea Solario, Vierge allaitant l’Enfant, bois, 44 x 33 cm, collection particulière (publiée par David Alan Brown « Solario Revisited », Artibus et historiae, 80, 2019, p.108-111) ; Andrea Solario, Vierge allaitant l’Enfant, bois, 37,5 x 32,4 cm, vente Sotheby’s New York 19.05.1994, n° 4). Dans ces œuvres, l’artiste a placé les protagonistes dans un intérieur avec une fenêtre ouverte sur un paysage. Pour la Vierge au coussin vert, il choisit une mise en scène paradoxale qui associe un parapet en marbre au premier plan, propre à une scène d’intérieur, à un fond de paysage qui implique un extérieur. On pourrait trouver une cohérence à cette composition en supposant que la Vierge s’est arrêtée devant une fenêtre ouverte ou devant un bloc de marbre, peut-être le reste (trop bien préservé il est vrai) d’une ruine antique. L’image pourrait ainsi évoquer l’épisode du repos de la Sainte Famille pendant la fuite en Egypte. De fait, l’homme marchant devant un cavalier, au fond à gauche, rappelle Joseph guidant la Vierge et l’Enfant.
Mais il ne faut sans doute pas chercher trop de logique narrative à cette composition qui relève d’une typologie devenue conventionnelle au début du XVIe siècle, la Vierge au parapet. Cette image de Marie et Jésus présentés derrière un parapet de pierre s’est développée à partir des années 1440 en Toscane (Filippo Lippi, Pesellino, Domenico Veneziano, Alessio Baldovinetti), dans le Nord de l’Italie (Squarcione, Zoppo, Antonio Vivarini, Mantegna, Giovanni Bellini, Foppa, Bergognone, Zenale) et aussi dans les Flandres (van der Weyden, Dirk Bouts, Memling). Dans certaines de ces Madones, le parapet constitue la base d’un encadrement en trompe l’œil, comme une fenêtre à travers laquelle on découvre le récit. Il peut être aussi en lien avec la moulure du cadre de la peinture. Isolé, le parapet est un souvenir de la fenêtre illusionniste, et donne de la profondeur au champ pictural. Il sert bien sûr à la narration, comme support de l’Enfant, debout ou plus souvent assis sur un coussin. Il peut être de matériau divers, pierre, marbre blanc ou de couleur. Solario choisit le rouge qui évoque certaines reliques de la Passion, notamment la pierre d’onction qui reçut le corps du Christ après sa crucifixion.
L’oreiller fait référence au sommeil, autre allusion à la mort future de Jésus. Ses proportions imposantes, qui ont valu au tableau son appellation, rappelle d’ailleurs les gros coussins supportant la dépouille du Christ dans certaines déplorations. Ce type de riche et épais oreiller se retrouve également dans les représentations de la Vierge d’humilité où, posé au sol, il sert d’assise à Marie. L’évocation de cette iconographie est d’ailleurs encouragée par la mise en scène en extérieur, avec la Vierge disposée devant un massif d’au moins six arbres (peut-être des chênes) dont la frondaison clôt en partie l’espace, souvenir de l’hortus conclusus des Madones d’humilité. Ce bois constitue une sorte de dais naturel pour la Vierge et forme aussi un buisson. La tradition chrétienne avait fait un parallèle entre le buisson ardent de Moïse qui avait brûlé sans se consumer et la virginité de la Vierge, comme le rappelle une antienne (« Le Verbe Éternel est descendu en vous, comme le feu dans le Buisson ardent ») ou un psaume de saint Bonaventure (« En ce buisson que vit Moïse et qui brûlait sans se consumer, nous voyons l’image de votre glorieuse virginité »). Cet agencement de la tête sur un fond végétal, que l’on connait dans le genre du portrait (Pisanello, Léonard de Vinci, Lorenzo di Credi ou Giorgione), se retrouve dans plusieurs Madones lombardes de la même époque (Giovanni Agostino da Lodi, Bernardino Luini, Cesare da Sesto, Cesare Magni (Giovanni Agostino da Lodi, Vierge à l’Enfant avec deux donateurs, vers 1500-05, bois, 58 x 78 cm, Naples, Museo di Capodimonte, inv. Q 95 ; Bernardino Luini, Vierge à l’Enfant, vers 1520, bois, 70 x 63 cm, Milan, Pinacothèque de Brera, inv. 331 ; Cesare da Sesto, Vierge à l’Enfant, vers 1512-15, bois, 46 x 36 cm, Milan, Pinacothèque de Brera, inv. 326 ; Attribué à Cesare Magni, Vierge à l’Enfant avec saint Jean Baptiste, bois, 71 x 63,5 cm, collection particulière (voir From Rembrandt to Parmigianino. Old Masters from Private Collections, catalogue d’exposition, Milwaukee Art Museum, 2016)).
Par rapport à ses deux autres compositions de la Madone allaitant Jésus, Solario insiste dans le tableau du Louvre sur le mouvement de la mère vers l’enfant. Cette position de la Vierge tendrement penchée sur son fils rappelle des inventions antérieures, notamment gravées de Mantegna (vers 1490) ou de Dürer (1503). Mais elle évoque aussi la Sainte Anne de Léonard de Vinci pour la position du visage de trois quarts en difficile raccourci. Solario a pu connaître la composition léonardienne à partir du retour de Léonard à Milan en 1506.
La figure de l’Enfant Jésus, gesticulant et attrapant son pied de la main droite, a toujours charmé les admirateurs pour son naturel. Cette pose spontanée et familière insiste sur l’idée d’incarnation de Dieu en humble nourrisson, et invite à une méditation sur la future crucifixion du Christ par l’accent mis sur le pied qui sera cloué, tout comme la main droite de la Vierge qui caresse le côté de l’Enfant qui sera tranché. Solario n’est pas l’inventeur de cette pose de l’Enfant dont on connait plusieurs exemples dès la seconde moitié du Trecento, souvent dans des images de la Vierge allaitant Jésus (Barnaba da Modena, Vierge à l’Enfant, 1367, bois, 117,8 x 86,2 cm, Francfort, Städel Museum, inv.807 ; Barnaba da Moedena, Vierge allaitant l’Enfant Jésus, vers 1370-75, bois, 109 x 72 cm, Paris, musée du Louvre, R.F. 1964.4 ; Paolo di Giovanni Fei, Vierge allaitant l’Enfant, 1370-80, bois, 87 x 59 cm, New York, Metropolitan Museum of Art, inv. 41.190.13 ; Taddeo di Bartolo, Triptyque, vers 1400-1405, Sienne, Santa Caterina della Notte). L’iconographie se développe aussi dans les Flandres au XVe siècle (Rogier van der Weyden, Vierge à l’Enfant, vers 1455-60, bois, 32,1 × 22,9 cm, Houston, Museum of Fine Arts, inv.44.535 ; Atelier de Dirk Bouts (d’après une composition originale perdue), Vierge à l’Enfant, bois, 29,2 x 21 cm, New York, Metropolitan Museum of Art, inv.1982.60.16 ; Suiveur de Memling, Vierge à l’Enfant, bois, 27,3 x 21 cm, New York, Metropolitan Museum of Art, inv.49.7.22.). Une estampe de l’Allemand Israhel van Meckenem, datable vers 1475-85, représente l’Enfant dans une position très proche de celle de Solario, sans que l’on puisse assurer que ce fut sa source d’inspiration.
Genèse du tableau
Deux dessins conservés à la Bibliothèque Ambrosienne à Milan ont été mis en relation avec la conception du tableau du Louvre. Ils représentent la tête de Vierge souriante, dans une position très proche mais un peu plus de profil et avec une coiffure différente. L’un est tracé à la pointe métallique, à la pierre noire et au lavis sur un curieux support constitué de trois morceaux de papier. La seconde feuille, à la pierre noire, reproduit de façon appliquée la première, et est justement considérée comme une copie (Andrea Solario, Tête de femme, pointe métallique, pierre noire, lavis, 200 x 167 mm, Milan, Biblioteca Ambrosiana, Cod. F262 inf.17 ; D’après Andrea Solario, Tête de femme, pierre noire, 192 x 180 mm, Milan, Biblioteca Ambrosiana, Cod. F263 inf.74).
La Vierge au coussin vert est peinte sur une seule planche de bois de peuplier. L’analyse des bords de la peinture démontre que la composition n’a pas été coupée dans les parties supérieure et inférieure où l’on observe des bords non peints et une barbe. En revanche, les côtés droit et gauche ont été sciés car ils ne présentent ni bords non peints ni barbe clairement visible. On discerne toutefois quelques amas qui semblent assimilables à des restes de barbe, ce qui indiquent que le tableau fut à peine coupé sur ses côtés. L’observation de la matière picturale a permis de constater qu’une toile fine a été noyée dans la couche de préparation, afin de renforcer le panneau, comme dans d’autres œuvres de l’artiste, notamment la Tête de Saint Jean Baptiste du Louvre.
La radiographie et la réflectographie infrarouge du panneau du Louvre révèlent très peu de repentirs, limités à des reprises de contours au niveau des doigts de la main droite de la Vierge, du pied droit de Jésus ou des cheveux de la Vierge qui couvraient moins le côté gauche de son visage. Dans la réflectographie, on voit un premier tracé sec, très fin, discontinu et un peu mécanique, caractéristique d’un report à partir d’un carton. Solario a dû faire un grand dessin préparatoire de sa composition, similaire à celui de la Pinacothèque de Brera représentant une Vierge à l’Enfant et datant des mêmes années que le tableau du Louvre (Andrea Solario, Vierge à l’Enfant avec un ange, pierre noire, charbon de bois, craie blanche, mise au carreau à la pierre noire, 554 x 420 mm, Milan, Pinacoteca di Brera, Gabinetto dei Disegni, Reg. Cron. 969). Les contours de ce dessin sont piqués pour le transfert selon la technique du spolvero. On ne retrouve pas clairement ce type de points de spolvero dans la réflectographie infrarouge mais on sait qu’ils peuvent avoir été effacés quand l’artiste a formé les lignes pour les rejoindre. Ce premier tracé est parfois repassé, à main libre, par une pointe sèche plus marquée. L’artiste a ensuite posée certaines ombres au lavis avec un pinceau, visibles en réflectographie. Il les a reprises avec un lavis sépia non discernable dans l’imagerie mais observée pendant la récente restauration dans une lacune au niveau du voile blanc de la Vierge (Voir le rapport de restauration de Cinzia Pasquali, conservé dans le dossier d’œuvre à la Documentation du Département des Peintures ).
Solario modèle une matière souvent lisse et fondue, pour donner un aspect brillant et émaillé, avec un dessin toujours net et précis. La touche est parfois plus libre pour créer des formes en relief, ainsi des lumières sur le feuillage ou des petits personnages dans le paysage, rendus avec virtuosité. On remarque aussi de nombreuses empreintes digitales au niveau du ciel pour le structurer. Cette pratique s’avère beaucoup plus courante qu’on a pu le penser par le passé et se retrouve chez Léonard de Vinci mais aussi d’autres peintres lombards et vénitiens. Sur le modèle de Léonard, Solario superpose des glacis pour créer des transitions douces entre ombre et lumière. Sa peinture conserve cependant une forme pleine et sculpturale, qui doit autant à sa formation en Vénétie (Giovanni Bellini, Cima da Conegliano) et en Lombardie (Bramante, Léonard de Vinci) qu’à sa familiarité avec la sculpture pratiquée par son frère Cristoforo.
La palette de l’artiste est classique et précieuse, notamment la laque rouge pour la robe de Marie, du résinate de cuivre pour le coussin et la végétation, le lapis lazuli pour le manteau de la Vierge, son voile bleuté et le paysage, des terres pour les ombres et les zones foncées.
Un tableau pour la France
La présence du tableau en France au début du XVIIe siècle a persuadé l’essentiel de la critique que Solario l’avait peinte entre 1507 et 1510, durant la période où il travailla pour les Français, soit peu avant son voyage, durant son séjour ou peu après. L’usage du peuplier, plus commun en Italie qu’au nord de la France, a incité plusieurs historiens à supposer une exécution à Milan, avant ou après la France. La signature « Andreas de Solario fa » sans référence à l’origine milanaise de l’artiste que l’on trouve sur d’autres œuvres, telle la Déploration sur le Christ mort du Louvre peinte assurément en France, a convaincu certains que le tableau avait été peint à Milan, selon une logique discutable que le peintre ne préciserait son origine que pour des œuvres peintes ou destinées à l’extérieur de la ville.
Stylistiquement, la Vierge au coussin vert se rapproche d’œuvres de la période française : la Tête de saint Jean Baptiste du Louvre datée de 1507, mais aussi de la Salomé du Metropolitan Museum à New York souvent datée vers 1507-1509 (Andrea Solario, Tête de saint Jean Baptiste, 1507, huile sur bois, 46 x 43 cm, Paris, musée du Louvre, M.I. 735. Andrea Solario, Salomé, vers 1507-1509, huile sur bois, 57.2 x 47 cm, New York, Metropolitan Museum of Art, inv. 32.100.81).
Un chef-d’œuvre du Louvre
La Vierge au coussin vert a souvent été considérée comme le chef-d’œuvre d’Andrea Solario ou du moins son œuvre la plus célèbre. Premier signe de son succès, le nombre remarquable de copies et de gravures. En 1987, David Alan Brown recensait quinze copies peintes auxquelles on peut ajouter vingt-neuf autres exemplaires recensés dans le dossier d’œuvre conservé à la documentation du département des Peintures du Louvre (David Alan Brown, Andrea Solario, Milan, 1987, p.215). Ces copies, le plus souvent anonymes, sont datables du XVIe au XIXe siècles, et au moins une version présente les qualités d’une œuvre d’atelier, avec une intéressante variation, la Vierge et l’Enfant étant placés dans un intérieur avec saint Joseph sciant une planche (D’après Solario, Vierge au coussin vert, bois, 58 x 44 cm, Séville, vente Isbilya, 5-6.04.2016, n°101).
On compte également près d’une quinzaine de gravures dont la plus ancienne, inversée et sur un fond uni, fut éditée par Augustin Quesnel en 1636. Vincenzo Vangelisti en fit une nouvelle version, toujours inversée mais plus soignée, dans les années 1760-1770. La lettre indique que le modèle est un tableau de Raphaël conservé au Palais Royal à Paris, ce qui est intriguant car on ne retrouve pas d’œuvre correspondante dans la collection d’Orléans et que l’original était assurément à Versailles chez le Roi. C’est au XIXe siècle que le nombre de gravures se multiplie. Elles furent réalisées par Joseph Charles de Meulemeester (vers1801-1804), Charles Normand (1802), François Forster (vers 1803-1818), Johann Conrad Ulmer (vers 1804-1815), Narcisse Lecomte, Giuseppe Magonio (vers 1820-1830, d’après une copie appartenant à Rhys D. Powell), Jean-Baptiste Pfitzer (1842), Frédéric Hillemacher (1844, d’après une copie appartenant à Eug. Benech), Eugénie Legrand (1847), Eugène Giraud (1850), Lucien Butavand (1851) et Adrien Didier (1883). Et il faut citer aussi les lithographies de Jean-Jules Jacott, Régnier, Camille Vergnes, Bautz et Théodore Tessari (Henry de Chennevières, « Andrea Solario », Gazette des beaux-arts, XXVIII, 1er juillet 1883, p. 48).
Comme les autres chefs-d’œuvre du musée, la Vierge au coussin vert séduit les jeunes artistes épris de Renaissance italienne. En témoignent les croquis de Fleury Richard, d’Hippolyte Flandrin ou d’Edgar Degas (Fleury Richard, Etude d’après Solario, vers 1800-1802, crayon, 202 x 160 mm, Lyon musée des beaux-arts, inv. 1988-4-IV-215, f.9 verso ; Hippolyte Flandrin, Etude d’après Solario, Paris musée du Louvre, RF 41395 ; Edgar Degas, Etude d’après Solario, vers 1857, collection particulière).
Ce nombre exceptionnel de reproductions témoigne de l’appréciation grandissante du tableau présenté au Louvre dès 1798 (Notice des principaux tableaux recueillis dans la Lombardie par les commissaires français dont l’exposition provisoire aura lieu dans la Grand Salon du Museum, Paris, 1798, p.105-106, n° 129). L’œuvre, toujours exposée, est installée en 1798 dans le Salon carré puis dans la Grande Galerie à partir de 1801. Elle rejoint l’accrochage des chefs-d’œuvre dans le nouvel aménagement du Salon carré conçu par Duban en 1851. Les vues de la salle, peintes par Giuseppe Castiglione en 1861 et Alexandre Brun vers 1880 (Giuseppe Castiglione, Le Salon carré en 1861, 1861, huile sur toile, 69 x 97,5 cm, Paris, musée du Louvre, R.F. 3734. Alexandre Brun, Le Salon carré au Louvre vers 1880, vers 1880, huile sur toile, 23,5 x 35,5 cm, Paris, musée du Louvre, R.F. 1987.29), montrent le tableau au premier rang de l’accrochage, sur le mur nord, en pendant de la Joconde, ou sur le mur ouest, à côté de la Belle Jardinière de Raphaël. La Vierge quitte le Salon vers 1900, au moment où on allège son accrochage abondant, pour revenir dans la Grande Galerie où elle demeure encore aujourd’hui (Catalogue sommaire des peintures exposées dans les galeries du musée national du Louvre, Paris, 1900, 5ème édition, p.131, n°1530).
Ce statut de chef-d’œuvre s’est construit tout au long du XIXe siècle sous la plume des historiens de l’art qui ont loué ses qualités techniques et stylistiques. Hormis le dessin des contours parfois jugé sec, ils relèvent la délicatesse du modelé, l’exécution précieuse ou le coloris brillant donnant un caractère émaillé à la peinture. Et c’est plus encore la beauté des visages, la grâce et la vérité des mouvements qui sont célébrées et en font une image simple et séduisante, à l’apparence profane et au caractère à la fois anecdotique et universel. Dans une nouvelle historique publiée en 1836, Paul de Musset imagine que la Vierge est le portrait de la femme aimée par Andrea Solario décrit comme l’élève de Léonard de Vinci et un génial peintre. Amoureux malheureux de Monna Flora, l’épouse d’un certain chevalier Matigno, qui lui préfère Léonard, Solario sublime sa passion en peignant son effigie (Paul de Musset, « Andrea del Gobbo », Revue de Paris, 17 avril 1836, p. 139-156). Jules Michelet en fait l’archétype de l’amour maternel, du sacrifice de la mère et de l’amour absolu et unique de l’enfant pour sa génitrice (Jules Michelet, La femme, Paris, 1860, p.8-14). A la fin du siècle, François Anatole Gruyer y voit lui aussi une œuvre plus profane que sacré (Anatole Gruyer, Voyage autour du Salon carré au musée du Louvre, Paris, 1891, p. 200). Un siècle avant, Joshua Reynolds avait déjà perçu la part naturaliste de la Vierge au coussin vert et s’inspirait de la figure du Christ pour l’un des enfants du Portrait de Lady Cockburn (1773, Londres, National Gallery).
La restauration de 2024
Les archives des musées nationaux et du Centre de Recherche et de Restauration des musées de France (C2RMF) indiquent au moins trois opérations de restauration en 1813, 1892 et 1940, ainsi qu’une douzaine d’interventions localisées sur des accidents et de légères reprises de vernis entre 1945 et 1985. En 2024, le tableau a fait l’objet de nouveaux examens de laboratoire en vue de sa restauration car il se présentait sous d’épaisses couches de vernis très jaunis et était maculé de retouches anciennes désaccordées posées sur de petites pertes de matière. Les interventions ont été menées au C2RMF et la restauration a été confiée à Cinzia Pasquali.
L’opération a consisté en en un allègement prononcé des vernis, à l’enlèvement des repeints, puis à une retouche illusionniste sur les rares pertes de matière. L’état de conservation s’est avéré globalement très bon, hormis les micro-lacunes et l’usure du bleu du manteau de la Vierge lié à un ancien nettoyage abrasif. L’équilibre coloré de la composition a été ainsi restitué, notamment avec la redécouverte du vert parfaitement conservé du feuillage du bosquet situé derrière la Vierge, en écho au coussin sur lequel repose Jésus et en contraste avec la laque rouge de la robe de Marie et le bleu du manteau. Le paysage a été libéré de plusieurs ajouts de branches et de feuilles qui alourdissaient et assombrissaient la disposition originale. Ces arbres ont repris leur forme compacte, en une sorte de dais naturel. Les carnations ont retrouvé leur blancheur teintée de rose, le voile sa clarté bleutée. Libérée des repeints discordants, la matière a regagné son aspect lisse et fondu, un volume sculptural. On retrouve l’éclat coloré, la clarté du dessin, l’émotion simple et naturelle, le mouvement tendre des figures qui ont séduit des générations d’amateurs.
L’encadrement du tableau
L’inventaire des tableaux du roi rédigé par Durameau en 1784 est illustré de vues des salles de la Surintendance des Bâtiments du Roi à Versailles grâce auxquelles on sait que la Vierge au coussin vert possédait alors un cadre avec une moulure du début du XVIIIe siècle. Elle demeura ainsi encadrée au XIXe siècle, comme en témoignent les vues du Salon carré peintes par Giuseppe Castiglione en 1861 et Alexandre Brun vers 1880. Dans la politique de ré-encadrement des œuvres, initiée dans la première moitié du XXe siècle, on changea cette moulure rocaille pour une nouvelle d’époque Renaissance, parmi les cadres donnés par Jules Strauss au musée dans les années 1930. Il fut finalement changé dans les années 1990 avec le cadre actuel afin d’y installer un système climatique indispensable pour ce panneau fragile.
Vincent Delieuvin, décembre 2024
Détenteur précédent / commanditaire / dédicataire
Louis XV, roi de France
Prince Victor-Amédée I de Savoie, Carignan, dit aussi Prince de Carignan
de La Porte de La Meilleraye, Armand-Charles, duc de Mazarin
M. Mazarin, Jules
Richelieu, Armand-Jean du Plessis, cardinal de, dit aussi Cardinal de Richelieu (détenteur hypothètique)
Marie de Médicis, reine de France
Prince Victor-Amédée I de Savoie, Carignan, dit aussi Prince de Carignan
de La Porte de La Meilleraye, Armand-Charles, duc de Mazarin
M. Mazarin, Jules
Richelieu, Armand-Jean du Plessis, cardinal de, dit aussi Cardinal de Richelieu (détenteur hypothètique)
Marie de Médicis, reine de France
Mode d’acquisition
ancienne collection royale/de la Couronne
Date d’acquisition
date : 1742 (entrée dans la collection royale)
date d'affectation : 1793
date d'arrivée au Musée : 1797
date d'affectation : 1793
date d'arrivée au Musée : 1797
Propriétaire
Etat
Affectataire
Musée du Louvre, Département des Peintures
Localisation de l'œuvre
Emplacement actuel
Denon, [Peint] Salle 710 - Grande Galerie, Salle 710 - (2e travée)
Index
Mode d'acquisition
Bibliographie
- Calame-Levert, Florence ; Hermant, Maxence ; Toscano, Gennaro (dir.), Une Renaissance en Normandie, le cardinal Georges d'Amboise, bibliophile et mécène, cat. exp. (Evreux, musée d'Art, Histoire et Archéologie, 8 juillet - 22 octobre 2017), Montreuil, éditions Gourcuff Gradenigo, 2017, p. 98, fig. 4
- Spantigati, Carla Enrica (dir.), Le raccolte del principe Eugenio condottiero e intelletuale. Collezionismo tra Vienna, Parigi e Torino nel primo Settecento. I quadri del Re, cat. exp. (Venaria Reale (Turin): Sale delle Arti, du 5 avril au 9 septembre 2012), Milan, Silvana Editoriale, La Venaria Reale, 2012, p. 130, 137 note 47, 138, 153, 157 note 57, 305, p. 138, n° 2
- Habert, Jean ; Scailliérez, Cécile, « XVIe siècle », dans Foucart-Walter, Élisabeth (dir.), Catalogue des peintures italiennes du musée du Louvre. Catalogue sommaire, [Musée du Louvre, Département des peintures], Paris, Musée du Louvre Editions / Gallimard, 2007, p. 61-122, p. 100, ill. n&b
- Yoshida-Takeda, Tomiko ; Lebrun-Jouve, Claudine, Inventaire dressé après le décès en 1661 du cardinal Mazarin (Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 30), Paris, 2004, p. 176
- Volle, Nathalie, « La Renaissance italienne à la Grande Galerie du Louvre », Technè, 13-14, 2001, p. 197
- Brown, David Alan, Andrea Solario, Milan, Electa, 1987, p. 52
- Béguin, Sylvie (dir.), Andrea Solario en France, cat. exp. (Musée du Louvre, Département des Peintures. Les dossiers du Département des Peintures n°31), Paris, 1985, p. 47
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Expositions
- 1500 : L'Art en France entre Moyen Age et Renaissance, Chicago (Etats-Unis), Art Institute, 26/02/2011 - 29/05/2011, étape d'une exposition itinérante
- 1500 : L'Art en France entre Moyen Age et Renaissance, Paris (France), Galeries nationales du Grand Palais, 04/10/2010 - 10/01/2011, étape d'une exposition itinérante
- Andrea Solario, Napoléon, Exposition Temporaire sous pyramide, 14/11/1985 - 28/02/1985
Dernière mise à jour le 11.12.2024
Le contenu de cette notice ne reflète pas nécessairement le dernier état des connaissances
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