Download
Next
Previous
Diogène jetant son écuelle
1654 / 1658 (Milieu du XVIIe siècle)
INV 7308 ; MR 2330
Département des Peintures
Actuellement visible au Louvre
Salle 825
Aile Richelieu, Niveau 2
Inventory number
Numéro principal : INV 7308
Autre numéro d'inventaire : MR 2330
Autre numéro d'inventaire : MR 2330
Collection
Artist/maker / School / Artistic centre
Description
Object name/Title
Titre : Diogène jetant son écuelle
Description/Features
Physical characteristics
Dimensions
Hauteur : 1,6 m ; Hauteur avec accessoire : 2,07 m ; Largeur : 2,21 m ; Largeur avec accessoire : 2,72 m
Materials and techniques
huile sur toile
Places and dates
Date
Milieu du XVIIe siècle (vers 1654 - 1658)
History
Object history
Historique
Peint pour « Monsieur Lumague » en 1648 (cf. Félibien (A.), 1666-1688, IV (1685), p. 299). – Coll. Armand Jean de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu (1629-1715), vers 1660 ; acquis de ce dernier par Louis XIV, 1665 ; inventaire Le Brun, no 176 (cf. Brejon de Lavergnée (A.), 1987a) ; cabinet des Tableaux de la surintendance à Versailles, 1690 ; Paris, cabinet des Tableaux au Louvre, 1709-1710 (cf. Engerand, 1899) ; hôtel du duc d’Antin, Paris, 1715 ; cabinet des Tableaux
de la surintendance à Versailles, 1760, 1784 ; transféré au Louvre en 1792 ; exposé à l’ouverture du Muséum (Louvre), 1793 (no 65 du cat. ; cf. Dubreuil, 2001).
Commentaire
Selon André Félibien, Poussin a peint en 1648 pour « Monsieur Lumague » un « grand paysage où Diogène rompt son écuelle », passage qui a été mis en relation avec le tableau du Louvre. Pourtant, en 1961, Denis Mahon a exprimé de sérieux doutes, indiquant que Diogène ne rompt pas son écuelle, contrairement à la mention de Félibien, et argumentant surtout sur le style et la poésie singulière de ce vaste paysage, jugeant qu’ils doivent correspondre à une période beaucoup plus tardive, à la fin des années 1650 (cf. Mahon, 1961). Les spécialistes demeurent aujourd’hui encore très partagés quant à la date d’exécution du tableau : en dernier lieu, en 2015, Mickaël Szanto argumente en faveur de la date de 1648 donnée par Félibien, précisant que le style de la toile « n’est pas si éloigné que l’on veut bien
le dire de celui qui caractérise ses paysages de la fin des années 1640, tout au contraire » ; à l’inverse, Pierre Rosenberg propose de dater l’oeuvre plus tardivement, avec comme terminus ante quem la date de 1654, « celle de la mort à Milan en décembre de Marc-Antoine II de Lumague » (cf. Szanto, 2015, p. 424, et Rosenberg
(P.), 2015, p. 296). La présentation de l’oeuvre lors de l’exposition « Poussin et Dieu » au musée du Louvre en 2015, non loin du Pyrame et Thisbé de Francfort, du Paysage avec Orion aveugle du Metropolitan Museum à New York et des Quatre Saisons du Louvre (voir INV. 7303 à 7306), nous a convaincu que la datation tardive
proposée par Mahon est la bonne, et qu’il faut sans doute considérer que Félibien a commis à propos de ce tableau l’une des rares erreurs de son VIIIe Entretien consacré à Poussin. Mais, contrairement à Mahon, nous pensons que Félibien faisait bien référence à notre tableau et que les commanditaires sont donc bien les Lumague. Il s’agit d’une famille de négociants d’origine lyonnaise. Celui cité par Félibien demeure difficile à identifier avec certitude. Il pourrait s’agir de Marc-Antoine II de Lumague, seigneur de Sommagis (1566 ? – 1654), qui était apparenté à Michel Passart, l’un des commanditaires de Poussin (cf. Rosenberg (P.), 2015, p. 290). Mais il pourrait également s’agir de l’un de ses frères, Charles ou Barthélemy, ou encore de leur neveu Nicolas Lumague (cf. Szanto, 2015, note 1, p. 425). Le sujet est tiré de Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité : « Ayant aperçu un enfant qui buvait dans le creux de sa main, il [Diogène] jeta aussitôt le gobelet qu’il portait dans sa besace en disant : un enfant m’a donné une leçon de simplicité. Il jeta aussi la cuillère lorsqu’il eut vu un autre enfant qui, après avoir cassé son écuelle, ramassait ses lentilles avec une croûte de pain. » Le philosophe donne ainsi une leçon d’austérité qui fait écho à la tradition de l’ascétisme chrétien. Diogène était le philosophe cynique le plus proche du stoïcisme et rejoignait donc le stoïcisme chrétien des xvie et xviie siècles. Dans cette composition, Poussin réunit avec une grande poésie les traditions spirituelles de l’Antiquité et du christianisme. Il place la scène au coeur d’un paysage d’une force et d’une profondeur saisissantes. Mahon a insisté sur cette manière de construire le tableau par les seuls effets de la lumière, et non plus en se servant des structures architecturales des édifices qui y sont disposés. L’artiste ne discipline plus la nature au service de l’idée qui préside à la composition. Elle habite désormais le sujet et le domine entièrement. Mahon suppose que l’influence de Claude Lorrain explique cette évolution dans les paysages tardifs de Poussin (cf. Mahon, 1962a). Néanmoins, le paysage demeure marqué par la main de l’homme, avec plusieurs personnages et quelques édifices. On remarquera notamment à
l’arrière-plan à gauche un édifice directement inspiré du palais du Belvédère à Rome. Au second plan, le lac aux eaux parfaitement lisses évoque celui du Pyrame et Thisbé de Francfort, allégorie de l’âme du sage qui doit demeurer impassible dans l’adversité. Le Diogène a été gravé par Étienne Baudet avant 1704. Il a été peint sur une toile très fine comprenant 23 × 24 fils au cm2 et sur une couche d’impression de couleur brune contenant du blanc de plomb et du noir de carbone. Le tableau a été agrandi en haut au moyen d’une bande de 5 cm. Il a été rentoilé par François Toussaint Hacquin en 1792-1793. Il a été restauré par Pierre Antoine Marchais en couche picturale en 1825 et par Nicolas Maillot en support en 1834. Il a été traité en couche picturale par Jean-Gabriel Goulinat à Montauban en 1940 puis par Lucien Aubert au Louvre en 1953. Il a été restauré en couche picturale par Bill Whitney en 1994 pour la rétrospective du Grand Palais.
Peint pour « Monsieur Lumague » en 1648 (cf. Félibien (A.), 1666-1688, IV (1685), p. 299). – Coll. Armand Jean de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu (1629-1715), vers 1660 ; acquis de ce dernier par Louis XIV, 1665 ; inventaire Le Brun, no 176 (cf. Brejon de Lavergnée (A.), 1987a) ; cabinet des Tableaux de la surintendance à Versailles, 1690 ; Paris, cabinet des Tableaux au Louvre, 1709-1710 (cf. Engerand, 1899) ; hôtel du duc d’Antin, Paris, 1715 ; cabinet des Tableaux
de la surintendance à Versailles, 1760, 1784 ; transféré au Louvre en 1792 ; exposé à l’ouverture du Muséum (Louvre), 1793 (no 65 du cat. ; cf. Dubreuil, 2001).
Commentaire
Selon André Félibien, Poussin a peint en 1648 pour « Monsieur Lumague » un « grand paysage où Diogène rompt son écuelle », passage qui a été mis en relation avec le tableau du Louvre. Pourtant, en 1961, Denis Mahon a exprimé de sérieux doutes, indiquant que Diogène ne rompt pas son écuelle, contrairement à la mention de Félibien, et argumentant surtout sur le style et la poésie singulière de ce vaste paysage, jugeant qu’ils doivent correspondre à une période beaucoup plus tardive, à la fin des années 1650 (cf. Mahon, 1961). Les spécialistes demeurent aujourd’hui encore très partagés quant à la date d’exécution du tableau : en dernier lieu, en 2015, Mickaël Szanto argumente en faveur de la date de 1648 donnée par Félibien, précisant que le style de la toile « n’est pas si éloigné que l’on veut bien
le dire de celui qui caractérise ses paysages de la fin des années 1640, tout au contraire » ; à l’inverse, Pierre Rosenberg propose de dater l’oeuvre plus tardivement, avec comme terminus ante quem la date de 1654, « celle de la mort à Milan en décembre de Marc-Antoine II de Lumague » (cf. Szanto, 2015, p. 424, et Rosenberg
(P.), 2015, p. 296). La présentation de l’oeuvre lors de l’exposition « Poussin et Dieu » au musée du Louvre en 2015, non loin du Pyrame et Thisbé de Francfort, du Paysage avec Orion aveugle du Metropolitan Museum à New York et des Quatre Saisons du Louvre (voir INV. 7303 à 7306), nous a convaincu que la datation tardive
proposée par Mahon est la bonne, et qu’il faut sans doute considérer que Félibien a commis à propos de ce tableau l’une des rares erreurs de son VIIIe Entretien consacré à Poussin. Mais, contrairement à Mahon, nous pensons que Félibien faisait bien référence à notre tableau et que les commanditaires sont donc bien les Lumague. Il s’agit d’une famille de négociants d’origine lyonnaise. Celui cité par Félibien demeure difficile à identifier avec certitude. Il pourrait s’agir de Marc-Antoine II de Lumague, seigneur de Sommagis (1566 ? – 1654), qui était apparenté à Michel Passart, l’un des commanditaires de Poussin (cf. Rosenberg (P.), 2015, p. 290). Mais il pourrait également s’agir de l’un de ses frères, Charles ou Barthélemy, ou encore de leur neveu Nicolas Lumague (cf. Szanto, 2015, note 1, p. 425). Le sujet est tiré de Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité : « Ayant aperçu un enfant qui buvait dans le creux de sa main, il [Diogène] jeta aussitôt le gobelet qu’il portait dans sa besace en disant : un enfant m’a donné une leçon de simplicité. Il jeta aussi la cuillère lorsqu’il eut vu un autre enfant qui, après avoir cassé son écuelle, ramassait ses lentilles avec une croûte de pain. » Le philosophe donne ainsi une leçon d’austérité qui fait écho à la tradition de l’ascétisme chrétien. Diogène était le philosophe cynique le plus proche du stoïcisme et rejoignait donc le stoïcisme chrétien des xvie et xviie siècles. Dans cette composition, Poussin réunit avec une grande poésie les traditions spirituelles de l’Antiquité et du christianisme. Il place la scène au coeur d’un paysage d’une force et d’une profondeur saisissantes. Mahon a insisté sur cette manière de construire le tableau par les seuls effets de la lumière, et non plus en se servant des structures architecturales des édifices qui y sont disposés. L’artiste ne discipline plus la nature au service de l’idée qui préside à la composition. Elle habite désormais le sujet et le domine entièrement. Mahon suppose que l’influence de Claude Lorrain explique cette évolution dans les paysages tardifs de Poussin (cf. Mahon, 1962a). Néanmoins, le paysage demeure marqué par la main de l’homme, avec plusieurs personnages et quelques édifices. On remarquera notamment à
l’arrière-plan à gauche un édifice directement inspiré du palais du Belvédère à Rome. Au second plan, le lac aux eaux parfaitement lisses évoque celui du Pyrame et Thisbé de Francfort, allégorie de l’âme du sage qui doit demeurer impassible dans l’adversité. Le Diogène a été gravé par Étienne Baudet avant 1704. Il a été peint sur une toile très fine comprenant 23 × 24 fils au cm2 et sur une couche d’impression de couleur brune contenant du blanc de plomb et du noir de carbone. Le tableau a été agrandi en haut au moyen d’une bande de 5 cm. Il a été rentoilé par François Toussaint Hacquin en 1792-1793. Il a été restauré par Pierre Antoine Marchais en couche picturale en 1825 et par Nicolas Maillot en support en 1834. Il a été traité en couche picturale par Jean-Gabriel Goulinat à Montauban en 1940 puis par Lucien Aubert au Louvre en 1953. Il a été restauré en couche picturale par Bill Whitney en 1994 pour la rétrospective du Grand Palais.
Collector / Previous owner / Commissioner / Archaeologist / Dedicatee
M. Lumague, Marc-Antoine II, Commanditaire, 1648
Duc Richelieu, Armand Jean de Vignerot du Plessis, duc de, Propriétaire
Louis XIV, roi de France, Propriétaire, 1665
Duc Richelieu, Armand Jean de Vignerot du Plessis, duc de, Propriétaire
Louis XIV, roi de France, Propriétaire, 1665
Acquisition details
entrée - Collection de Louis XIV
Owned by
Etat
Held by
Musée du Louvre, Département des Peintures
Location of object
Current location
Richelieu, [Peint] Salle 825 - Nicolas Poussin (1594-1665) : les chefs-d’œuvre
Index
Mode d'acquisition
Bibliography
- Milovanovic, Nicolas, Peintures françaises du XVIIe du musée du Louvre, Editions Gallimard / Musée du Louvre Editions, 2021, p. 213-214, ill.coul., n°438
- Germer, Stefan, Art-Pouvoir-Discours. La carrière intellectuelle d'André Félibien dans la France de Louis XIV, vol. 54, Paris, Maison des sciences de l'homme, (Collection Passages/Passagen), 2016, p. 84
- Szanto, Mickaël ; Milovanovic, Nicolas (dir.), Poussin et Dieu, cat. exp. (Paris, musée du Louvre, 30 mars - 29 juin 2015), Paris, Hazan/ Louvre éditions, 2015, p. 82, 90, 450, 462, 422-425, fig. 57, cat. 91
- Bertinet, Arnaud, Les musées de Napoléon III : une institution pour les arts (1849-1872), Paris, mare & martin, 2015, p. 523
- Rosenberg, Pierre, Nicolas Poussin : les tableaux du Louvre, Paris, Louvre éditions/ Somogy, 2015, p. 290-297, coul., n° 34
- Bonfait, Olivier, Poussin et Louis XIV: Peinture et Monarchie dans la France du Grand Siècle, Paris, Hazan, 2015, p. 103
- Peter John Brownlee (dir.), Samuel F. B. Morse's Gallery of the Louvre and the art of invention, cat. exp. (exposition itinérante à travers les Etats-Unis, 2015-2018), Chicago, Terra Foundation for American Art/ Yale University Press, 2014, p. 12, 199, pl. 1
- Brownlee, Peter John, Samuel F. B. Morse's Gallery of the Louvre. A guide to the Painting, Chicago, Terra Foundation for American Art, 2014, p. 24
- 1704. Le Salon, les arts et le roi, cat. exp. (Sceaux (France), Musée de l'Ile-de-France, Domaine départemental de Sceaux, du 22 mars au 30 juin 2013), Milan, Silvana Editoriale, 2013, p. 57, 210
- Cousinié, Frédéric, Esthétique des fluides. Sang, Sperme, Merde dans la peinture française du XVIIe siècle, Paris, Edition du Félin, 2011, p. 316
- Koenig, Stéphanie, « Le Muséum des Arts (Louvre) en 1796 : catalogue des peintures exposées », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, 2010, 2011, p. 169-189, p. 181, 188, n° 133
- Rosenberg, Pierre ; Christiansen, Keith (dir.), Poussin and Nature : Arcadian Vision, cat. exp. (Museo de bellas artes de Bilbao, 2007-2008, the Metropolitan museum of art, Nueva York, 2008), Bilbao, Yale University Press, 2008,
- Compin, Isabelle ; Roquebert, Anne, Catalogue sommaire illustré des peintures du musée du Louvre et du musée d'Orsay. IV. Ecole française, L-Z, Paris, R.M.N., 1986, p. 146, ill. n&b
- Compin, Isabelle ; Reynaud, Nicole ; Rosenberg, Pierre, Musée du Louvre. Catalogue illustré des peintures. Ecole française. XVIIe et XVIIIe siècles : II, M-Z, Paris, Musées nationaux, 1974, p. 60, 212, fig. 671, n° 671
- Compin, Isabelle ; Reynaud, Nicole, Catalogue des peintures du musée du Louvre. I, Ecole française, Paris, R.M.N., 1972, p. 303
- Brière, Gaston, Musée national du Louvre. Catalogue des peintures exposées dans les galeries. I.Ecole française, Paris, Musées nationaux, 1924, p. 210, n° 741
- Grautoff, Otto, Nicolas Poussin : sein Werk und sein Leben, 2 vol., Münich, Georg Müller, 1914, n°126
- Rosenberg, Pierre, « Poussin and God », The Burlington Magazine, 157, 1349, 2015, août, p. 561-563, p. 562
Exhibition history
- Poussin et Dieu, Napoléon, Exposition Temporaire sous pyramide, 30/03/2015 - 29/06/2015
- Poussin and nature, New York (Etats-Unis), Metropolitan Museum of Art, 12/02/2008 - 11/05/2008, étape d'une exposition itinérante
- Poussin and nature, Bilbao (Espagne), Museo de Bellas Artes, 08/10/2007 - 13/01/2008, étape d'une exposition itinérante
- Poussin, Londres (Royaume Uni), Royal Academy of Arts, 19/01/1995 - 13/04/1995, étape d'une exposition itinérante
- Poussin, Paris (France), Galeries nationales du Grand Palais, 27/09/1994 - 02/01/1995, étape d'une exposition itinérante
- Cézanne et Poussin, Edimbourg (Royaume Uni), Scottish National Gallery of Modern Art, 01/08/1990 - 31/10/1990
Last updated on 18.01.2022
The contents of this entry do not necessarily take account of the latest data.
The contents of this entry do not necessarily take account of the latest data.