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L'Ascension : Chute et Rédemption de l'Humanité, suite de quarante bois gravés

vers 1513
ALTDORFER Albrecht, gravé par
8265 LR/ Recto
Département des Arts graphiques
Inventory number
8265 LR/ Recto
Former inventory number:
532
Handwritten inventory reference:
vol.6, p.27
Collection
Département des Arts graphiques
Collection Edmond de Rothschild
Artist/maker / School / Artistic centre
ALTDORFER Albrecht (vers 1482/1485-1538), gravé par
Ecole allemande

Description

Object name/Title
L'Ascension : Chute et Rédemption de l'Humanité, suite de quarante bois gravés
Description/Features
Commentaire :
« La publication de la Chute et Rédemption de l'humanité s'inscrit dans un contexte particulièrement concurrentiel, marqué par le grand nombre de cycles de la Passion gravés depuis la fin du xve siècle. Altdorfer s'efforce de se distinguer des récentes gravures sur bois de Hans Schäufelin (1507), de Lucas Cranach(1509) et surtout de la Grande et de la Petite Passion publiées par Dürer en 1511, en faisant preuve d'originalité en matière d'iconographie, de technique et d'invention formelle1.Avec ses quarante scènes dont dix-neuf consacrées a la Passion, Altdorfer conçoit le cycle gravé le plus complet jamais produit, dépassant les trente-sept bois de la Petite Passion de Dürer. Il n'est pas le premier à retracer, au-delà de la Passion du Christ, le récit de la Rédemption de l'humanité du Péché originel au Jugement dernier, mais l'importance qu'il accorde à la Vierge dans l'histoire du salut est inédite2. En témoigne le choix de représenter la Vierge à l'Enfant sur un croissant de lune sur la page de titre(cat. 27.1), la ou les suites de la Passion gravées par Dürer s'ouvrent sur un Christ en Homme de douleur3. Cette estampe inaugurale est suivie par une représentation de la Chute soulignant le rôle joué par Eve dans le Péché originel, lequel sera racheté grâce à la Vierge, désignée ici comme la « nouvelle Eve ». La série comprend en outre, a la différence des autres cycles de la m^eme époque, une représentation de la Dormition. Peut- être Altdorfer exprime-t-il ici sa piété personnelle pour la Vierge, a laquelle il avait dédié en 1510, pour le salut de son âme (« insalutem animae »), le tableau de Berlin représentant le Repos pendant la fuite en Égypte 4.La série se distingue également par la taille très réduite de ses gravures sur bois, exceptionnelle dans l'histoire de la gravure de la Renaissance allemande. Altdorfer s'était déjà fait connaître par des petits burins inspirés des nielles italiens (voir cat. 7), dont il transpose ici les dimensions a la gravure sur bois, un véritable tour de force technique qu'il ne renouvellera pas par la suite. Nous conservons deux séries de feuilles non coupées, dix à Cleveland comportant quatre estampes par feuille, et cinq a Erlangen avec initialement huit estampes par feuille, aujourd'hui six car les feuilles ont été déchirées5 (cat. 27b).Winzinger propose d'y reconnaître des épreuves d'essai, mais il s'agit plus vraisemblablement d'un témoignage de la manière dont les blocs étaient imprimés ensemble pour assurer une égale répartition de la pression et de l'encrage 6. Certaines épreuves ont été reliées a une date précoce, comme celles de Berlin, probablement pour constituer des livres d'images sans texte, à la différence des trois séries de Dürer, la Vie de la Vierge, la Grande Passion et la Petite Passion, publiées en 1511, accompagnées des vers de Chelidonius 7. La plupart des épreuves nous sont toutefois parvenues en feuilles libres. Observant que leur format correspond à celui des gravures qui ornaient a l'époque les livres de prières, Thomas Noll suppose qu'elles étaient destinées à être insérées dans des livres sans images8. Loin de constituer une bible pour les illettrés, ces estampes d'un grand raffinement technique étaient destinées à rejoindre les bibliothèques ou les cabinets d'estampes des collectionneurs. Altdorfer fait preuve d'une grande inventivité dans l'interprétation de sujets religieux traditionnels, même s'il est parfois possible de retracer certaines de ses sources d'inspiration. Comme l'a observé Herman Voss, plusieurs figures de la série semblent dériver du retable de Saint-Wolfgang de Michael Pacher, tel l'homme au premier plan de l'Entrée du Christà Jérusalem (cat. 27.18) ou l'ange vu da sotto in su dans l'Annonce à Joachim 9 (cat. 27.5). Par ailleurs, le couple d'Adam et Eve au paradis (cat. 27.2) cite, en contrepartie, une Allégorie gravée au burin par Marcantonio Raimondi vers 150610. Dans la Crucifixion (cat. 27.31),le groupe de la Vierge évanouie soutenue par saint Jean, avec la figure saisissante de la sainte femme penchée en avant, le dos à l'horizontale, est adapté de celui de la Descente de Croix d'après Mantegna (cat. 32a). Le peintre de Ratisbonne emprunte également à la Petite Passion de Dürer des compositions entières- tels l'Ascension (cat. 27.38) ou le Jugement dernier (cat. 27.40) - ou seulement quelques éléments, comme la disposition de l'échelle et celle du corps du Christ dans la Descente de Croix (cat. 27.32).Ce dernier exemple montre bien le processus de concentration et de dramatisation de l'action qu'accompagne la réduction du format, entre trois et quatre fois moins important que celui choisi par Dürer pour sa Petite Passion. Les dimensions très restreintes imposent a Altdorfer de renforcer les contrastes d'ombres et de lumière et d'adopter un style synthétique, renonçant aux détails et réduisant le nombre des personnages. La narration est portée par quelques figures monumentales, qui se détachent au premier plan sur une ligne d'horizon abaissée. Souvent, leur visage échappe au spectateur, si bien que leur agitation émotionnelle est traduite par les mouvements des drapés et une gestuelle appuyée. Altdorfer recherche également l'effet dans des constructions spatiales innovantes, qui visent a inclure le spectateur dans l'espace de la représentation. Il multiplie les raccourcis spectaculaires, tel celui du corps du Christ cloué sur la Croix (cat. 27.29), les figures tronquées ou de dos, comme dans l'Annonciation (cat. 27.8), où le spectateur est placé derrière la Vierge. La série alterne les scènes centripètes, soulignant l'étroite cohésion d'assemblées sous des grottes ou des architectures voutées aux lignes radiantes, comme dans la Circoncision(cat. 27.12), la Cène (cat. 27.19), la Mise au tombeau(cat. 27.34) ou la Dormition (cat. 27.39),et des scènes dynamiques avec un point de fuite latéral très décentré pour suggérer la progression de la foule, comme dans l'Entrée du Christ à Jérusalem (cat. 27.18), le Christ devant Pilate (cat. 27.23), Pilate se lavant les mains (cat. 27.27) ou encore le Portement de Croix (cat. 27.28). Tour a tour diurne et nocturne, l'éclairage contrasté, marqué par des accents de lumière au premier plan, n'exclut pas un traitement tonal inspiré des bois gravés par Dürer a son retour d'Italie, articulé ici autour d'un ton intermédiaire gris foncé obtenu par des tailles étroitement croisées 11.La série de la Chute et Rédemption de l'humanité rencontra très rapidement une fortune artistique considérable 12. L'une des premières reprises d'après une gravure de la série, l'Annonce à Joachim de Wolf Huber de Washington datée 1514 (cat. 28a), fournit un terminus ante quem pour sa datation. Comme le montre Winzinger, la série a sans doute été exécutée au cours de l'année 1513,si l'on en juge par ses nombreuses analogies avec les compositions dessinées et gravées par Altdorfer sur le thème de la Passion du Christ dans les années 1512 et 151313. Citons en particulier le dessin sur le bloc de bois de Munich daté 1512 (cat. 35a), le Christ aux limbes de 1512 (cat. 5a), ou la figure de Longin de dos s'apparente à celle d'Adam dans la Chute (cat. 27.2), le raccourci du Christ sur la Lamentation de Florence dessinée en 151314(fi g. 22, p. 127) ou encore le bois gravé de l'Annonciation de 1513 (cat. 24a). Par ailleurs, l'étroite proximité stylistique de la série avec le retable de l'abbaye de Saint-Florian représentant la Passion du Christ et la vie de saint Sébastien laisse penser qu'Altdorfer travailla aux deux cycles simultanément. Le Christ au mont des Oliviers, l'Arrestation du Christ, le Couronnement d'épines et le Portement de Croix des deux séries se répondent, ainsi que le Christ devant Pilate et le Saint Sébastien devant l'empereur (fi g. 3a, p. 17), sans qu'il soit possible de dire si les versions gravées précédent ou non celles peintes pour Saint-Florian15.(1. Bushart 2004, p. 129-131.2. Voir Noll 2004, p. 117, 129,143 ; Bushart 2004, p. 134.3. Comme l'a montré Winzinger en 1963, la Vierge couronnée par les anges est bien la première et non la dernière estampe de la série. Elle est en effet imprimée juste avant la Chute sur les feuilles non coupées d'Erlangen et de Cleveland ; voir note 7.4. Berlin, SMB - Gemäldegalerie, inv. 638 B ; voir Noll 2004,p. 143.5. Winzinger 1963a, p. 69,nos 25 a 64 ; Mielke 1997, nos w. 1a 40, I.1 et I.2.6. Winzinger 1963, p. 68-69 ;Landau et Parshall 1994,p. 206.7. Berlin, SMB -Kupferstichkabinett, voir Winzinger 1963, p. 69 (Winzinger mentionne, outre celui de Berlin, d'autres livres reliés en mains privées), et Mielke 1997, nos w. 1 a 40, I.3.8. Noll 2004, p. 112.9. Voss 1907, p. 124-125. Ces rapprochements ne permettent toutefois pas d'affirmer avec certitude qu'Altdorfer eut l'occasion de voir le retablede l'église de Saint-Wolfgang(vers 1475-1481) dans le Salzkammergut.10. Bartsch 1803-1821, no 24 ;Bushart 2004, p. 136 et ill. 63.11. Détroit, Ottawa et Cobourg 1981-1982, nos 60 à 69 (C. Anderson et Ch. Talbot) ; Bushart 2011, p. 78.12. Voir ici même p. 100.13. Winzinger 1950 ; Winzinger1963a, p. 19-21 et nos 25 a 64.14. Florence, Galerie des Offices, Gabinetto dei Disegnie delle Stampe, inv. 1054E ;Winzinger 1952, no 45.15. Talbot 1968, p. 142) » (O. Savatier, 2020).

Bibliographie :
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Munich 1938, nos 283 a 322
L. Baldass, 'Albrecht Altdorfer', Vienne, 1941., p. 95
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'From a Mighty Fortress. Prints, Drawings, and Books in the Age of Luther 1483-1546' (Détroit, Detroit Institute of Arts, Ottawa, National Gallery of Canada, et Cobourg, Kunstsammlungen der Veste Coburg, 1981-1982), cat. sous la dir. de Ch. Andersson et Ch. Talbot, Détroit, 1981, nos 60 à 69
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Anzelewsky et al., Paris, 1984., nos 61 à 102
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D. Landau et P. Parshall, 'The Renaissance Print 1470-1550', New Haven et Londres, 1994, p. 204-206
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O. Savatier in 'Albrecht Altdorfer. Maître de la Renaissance allemande', Hélène Grollemund, Olivia Savatier Sjöholm, Séverine Lepape, cat. exp. Paris, musée du Louvre, 1er octobre 2020 - 4 janvier 2021, Paris, 2020, n° 27a, pp. 110-115, repr. pp. 112-115

Physical characteristics

Dimensions
H. 0,073 m ; L. 0,049 m
Materials and techniques
Bois gravé
H. 7,3 ; L. 4,9 cm
Monogrammé AA

Places and dates

Date
vers 1513

History

Object history
Comte Johann Nepomuk Ernst Harrach, Vienne ; sa vente, Paris, Drouot, 25 février 1867 et jours suivants, lot no 167 ; acquis à cette vente par le baron Edmond de Rothschild ; don au musée du Louvre en 1935.
Œuvre conservée dans le portefeuille n°268 du baron Edmond de Rothschild jusqu'en 2020.
Collector / Previous owner / Commissioner / Archaeologist / Dedicatee
Dernière provenance : Rothschild, baron Edmond de
Acquisition details
don
Acquisition date
1935

Location of object

Current location
Réserve Edmond de Rothschild

The artwork can be seen by appointment in the Louvre's Prints and Drawings Study Room.

Exhibition history

- Albrecht Altdorfer. Maître de la Renaissance allemande
Etape :
Musée du Louvre, Paris, France - 01 octobre 2020 - 08 mars 2021
Last updated on 25.11.2021
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