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Le Christ en croix

Vers 1515/1518
ALTDORFER Albrecht, gravé par
L 23 LR/9 Recto
Département des Arts graphiques
Numéro d’inventaire
L 23 LR/9 Recto
Anciens numéros d'inventaire :
4238
Collection
Département des Arts graphiques
Collection Edmond de Rothschild
Artiste / Auteur / Ecole / Centre artistique
ALTDORFER Albrecht (vers 1482/1485-1538), gravé par
Ecole allemande

description

Dénomination / Titre
Le Christ en croix
Description / Décor
Commentaire :
"Parmi les burins gravés par Altdorfer, ces trois estampes se distinguent par des dimensions plus importantes, mais aussi par l'originalité de leur invention et la qualité de leur exécution. Elles témoignent de l'attention renouvelée avec laquelle Altdorfer, au milieu des années 1510, étudie les burins de Dürer, s'inspire de leurs compositions et en épouse la sophistication technique - variant la longueur et l'orientation des fines tailles qui saturent l'espace (1). La Vierge à l'Enfant bénissant semble ainsi répondre à la Vierge à la poire de 1511 (2). De même, l'idée de représenter un saint en pied devant un mur oblique couvert de touffes d'herbe et percé d'une fenêtre rectangulaire est empruntée au deuxième état du Saint Paul de Dürer, que l'on peut situer vers 1515 ou juste après (3). Enfin, la Grande Crucifixion, tout comme la Crucifixion gravée au burin par Dürer en 1508, dépeint un moment particulier du récit ou seuls restent, après le départ de la foule et de la soldatesque, les proches du Christ au pied de la Croix (4). Altdorfer se démarque toutefois des estampes de Dürer par des tailles plus dansantes, moins contraintes par la rigidité du burin, mais aussi par le traitement de l'espace et de la lumière. L'abaissement de la ligne d'horizon accentue la monumentalité des figures, lesquelles sont mieux intégrées au paysage que dans les estampes de Dürer. Dans la Grande Crucifixion et plus encore dans la Vierge à l'Enfant bénissant, le décor présente des analogies avec les eaux-fortes de paysage gravées peu avant 1520 (cat. 57-59). Le ciel de la Vierge à l'Enfant, avec ses cumulus moutonnants et ses fines hachures horizontales, s'apparente en particulier à celui du Paysage au double épicéa (cat. 57a). Le raccourci prononcé du corps du Christ dans la Grande Crucifixion et celui de la jambe droite du Saint Jérôme à la muraille contribuent à creuser l'espace de la représentation, tout comme les vues en perspective des blocs de pierre et de la planche qui franchit le ruisseau à l'arrière-plan. De plus, la ligne arquée du mur que longe saint Jérôme produit un effet « grand angle » qui accroît l'impression d'espace. Enfin, les trois burins présentent de puissants contrastes lumineux, avec pour la Vierge à l'Enfant bénissant un éclairage audacieux qui plonge dans l'ombre une grande partie des figures (5) et, pour la Grande Crucifixion, d'intenses éclats de lumière qui se détachent sur un ciel sombre, créant un effet de scintillement presque surnaturel. Si les trois grands burins doivent beaucoup à Dürer pour la composition et la technique, les figures sont clairement mantégnesques, en particulier celle de saint Jérôme qui descend une marche, saisie sur le vif, dans un mouvement qu'accompagne l'agitation de son drapé. Ce dernier tend à se coller au corps tel une étoffe mouillée. Il évoque, si l'on imagine une rotation de cent quatre-vingts degrés, la figure du Christ de la Descente aux limbes d'après Mantegna, une estampe dont Altdorfer s'était peut-être déjà inspiré en 1512 (6) (voir cat. 5). Dans la Vierge à l'Enfant bénissant, la figure de l'Enfant debout sur les genoux de sa mère, le bras passé autour de son cou, est une invention de Mantegna popularisée par la gravure de Giovanni Antonio da Brescia (7) (voir cat. 3). Les auréoles traitées comme des objets solides vus en perspective doivent également beaucoup au Padouan, ainsi que les puissantes hachures parallèles obliques qui créent un modelé un peu anguleux, stéréotomique (8). Les amples figures aux vêtements chargés de plis de la Grande Crucifixion portent elles aussi le souvenir des estampes d'après Mantegna, notamment celle de Marie Madeleine, qui lève les bras au ciel dans un cri de douleur comme dans la Mise au tombeau (9), ou le groupe autour de la Vierge, qui est une lointaine dérivation de celui de la Descente de Croix (cat. 32a). Dans ses choix iconographiques, Altdorfer fait preuve d'une originalité étonnante. Il propose un renouvellement radical de la représentation de saint Jérôme, saint patron des humanistes, thème populaire dans la gravure allemande de la deuxième décennie du xvie siècle. Comme dans les cinq autres représentations de ce thème par Altdorfer (10), c'est le pénitent et non le traducteur de la Bible qui est figuré, ainsi que l'indiquent le crucifix, la bible et la pierre qu'il tient dans la main gauche. Mais le choix du moment est un unicum dans l'histoire de l'art : saint Jérôme n'est pas encore dans le désert, il vient de quitter la vie séculière évoquée par l'église à l'arrière-plan et prend le chemin de l'ascèse, le pas décidé et la mine renfrognée (11). La représentation de la Crucifixion, en revanche, est comparable aux nombreuses versions de ce thème dans l'oeuvre d'Altdorfer (12). Ce dernier adopte le plus souvent, tout comme Wolf Huber, le type novateur de la « Crucifixion de biais », qui met en scène un face a face dramatique entre le Christ et sa mère terrassée de douleur (voir cat. 33 et fi g. 3l, p. 19). Ici, le Crucifié est isolé dans le registre céleste, comme dans deux compositions de Wolf Huber de la même période, un bois gravé vers 1516 et un dessin daté 1517 conservé à Berlin (13). La figure de l'homme en prière, coiffé d'un couvre-chef insolite dans ce contexte, évoque un portrait de donateur et invite à considérer la scène comme la vision intérieure du priant qui s'appuie sur des images mentales pour renforcer sa compassio (14). Copiée en 1523 par Narziss Renner dans le livre de prières de Vienne (15), la Grande Crucifixion s'apparente, pour la figure du Christ, au bois gravé vers 1513 de la Chute et Rédemption de l'humanité (cat. 27.31), au Christ en Croix dessiné dans le Livre de prières de Maximilien, et, si l'on considère la plasticité des figures et la position de la Vierge, à la Crucifixion de Budapest peinte vers 1520 (cat. 34). Un terminus ante quem pour la gravure du Saint Jérôme à la muraille nous est fourni par le petit burin de Sebald Beham daté 1519, qui reprend l'idée générale de la composition (16). L'année suivante, le maître de Nuremberg rend à nouveau hommage à l'invention de son aîné en citant dans une seconde estampe la partie supérieure de la figure du saint (17). Si la longue figure dynamique et dégingandée du Saint Jérôme à la muraille rappelle celles peintes par Altdorfer sur le retable de saint Sébastien à Saint- Florian, les raccourcis mieux maîtrisés et la silhouette plus charpentée plaident pour une datation légèrement postérieure, au même moment que le Christ prenant congé de sa mère (cat. 40). (1. Voir Bushart 2011. 2. Noll 2004, p. 266. 3. Berlin et Ratisbonne 1988, no 79. Pour la datation, voir Schoch, Mende et Scherbaum 2001-2004, I, no 74. 4. Schoch, Mende et Scherbaum 2001-2004, I, no 61. New Haven, Saint Louis et Philadelphie 1969-1970, no 55. 5. Bushart 2011, p. 83. 6. New Haven, Saint Louis et Philadelphie 1969-1970, no 55. 7. Winzinger 1963a, no 122. 8. Noll 2004, p. 266. 9. Hind 1938-1948, V, no 2. 10. Outre le tableau de Berlin (cat. 2), Altdorfer consacre à ce theme un dessin et trois autres estampes. 11. Noll 2009, p. 344-345. 12. Avec pas moins de cinq tableaux, deux dessins et trois gravures, voir notamment cat. 34 et fig. 3, p. 17-19. 13. Winzinger 1963a, no 134. Il s'agit respectivement de La Grande Crucifixion (Winzinger 1979, no 267) et de la Crucifixion de Berlin (SMB - Kupferstichkabinett, inv. KdZ 4325) (Ibid., no 47). 14. Bushart 2004, p. 101-104. 15. Voir cat. 59b. Elle est reproduite fidèlement, dans un dessin au trait, au folio 150v ; voir Halm 1954, p. 79, et Merkl 1999, no 37. 16. Hollstein's German 1954- 2018, III, p. 37, no 61. 17. Hollstein's German 1954- 2018, III, p. 41, no 66) ». (O. Savatier, 2020).


A.Bartsch, 'Le peintre graveur', 1803-1821, VIII, no 8
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F. Winzinger, Albrecht Altdorfer. Graphik. Holzschnitte. Kupferstiche. Radierungen, Munich, 1963, p. 38-39 et no 134
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O. Savatier Sjöholm, 'Altdorfer et l'espace de la narration' in 'Albrecht Altdorfer. Maître de la Renaissance allemande', Hélène Grollemund, Olivia Savatier Sjöholm, Séverine Lepape, cat. exp. Paris, musée du Louvre, 1er octobre 2020 - 4 janvier 2021, Paris, 2020, pp. 124-133, voir pp. 128-129 et n° 39c, p. 153, repr.
Description de l'album :
Ce volume comprend trois dessins et quarante huit gravures.
Reliure en maroquin brun.
H : 00,306 m
L : 00,247 m
D : 00,040 m
Livre ouvert : 00,484 m

Caractéristiques matérielles

Dimensions
H. 0,143 m ; L. 0,1 m
Matière et technique
Burin. Signé du monogramme AA en bas à droite de la composition.

Lieux et dates

Date de création / fabrication
Vers 1515/1518

Données historiques

Détenteur précédent / commanditaire / dédicataire
Dernière provenance : Rothschild, baron Edmond de
Mode d’acquisition
don
Date d’acquisition
1935

Localisation de l'œuvre

Emplacement actuel
Réserve Edmond de Rothschild
Recueil : Altdorfer Albrecht -1-
L 23 LR
Folio 14
rapporté au recto

L'œuvre est visible sur rendez-vous en salle de consultation des Arts graphiques.

Index

Techniques

Expositions

- Albrecht Altdorfer. Maître de la Renaissance allemande
Etape :
Musée du Louvre, Paris, France - 01 octobre 2020 - 08 mars 2021
Dernière mise à jour le 16.01.2023
Le contenu de cette notice ne reflète pas nécessairement le dernier état des connaissances